L'ombre sous la colline
Accroche
L'archéologue Charlotte Bouchard (Charlotte) de l'université d'Arkham et la célèbre autrice Nadia Belluni (Nadège) viennent à Providence afin de visiter une exposition sur les Amérindiens. Après s'être installées au Biltmore Hôtel, elles rencontrent dans le hall de leur lieu de villégiature la journaliste Olivia Duscamp (Loredane), elle aussi originaire d'Arkham. Ensemble, les trois femmes décident de se rendre à l'exposition.
Providence dans les Années 1920
Providence, capitale de l'État de Rhode Island, est une ville dynamique et en pleine croissance dans les années 1920. Avec une population de plus de 250 000 habitants, elle est un centre de commerce, d'industrie et de culture en Nouvelle-Angleterre.
Fondée en 1636 par Roger Williams, un dissident religieux puritain, Providence s'est développée comme une ville refuge pour ceux cherchant la liberté religieuse. La ville a une longue histoire coloniale et a joué un rôle important pendant la Révolution américaine.
Dans les années 1920, Providence est un centre industriel majeur, notamment pour la bijouterie, la fabrication de machines-outils, et les textiles. La ville est également un important port maritime grâce à sa situation sur la Providence River et la Narragansett Bay.
- Architecture et Urbanisme
Les joueurs remarqueront un mélange éclectique d'architecture coloniale, victorienne et industrielle. Le centre-ville est en plein essor avec de nouveaux gratte-ciel, tandis que des quartiers résidentiels plus anciens conservent leurs maisons en bois et en briques.
- L'Université Brown : Située sur College Hill, cette institution prestigieuse est un centre intellectuel et culturel de la ville.
- Rhode Island State House : Avec son dôme majestueux, ce bâtiment est un symbole de la puissance et de l'histoire de Rhode Island.
- Le Biltmore Hotel : Un hôtel de luxe récemment construit, c'est un lieu de rendez-vous pour l'élite de la ville.
- Waterplace Park : Un quartier commerçant et de loisirs le long de la rivière.
Providence est une mosaïque de cultures et de communautés, avec une forte présence d'immigrants italiens, irlandais, et juifs, parmi d'autres groupes. La prohibition est en vigueur, mais les bars clandestins prospèrent, ajoutant une touche de danger et d'excitation à la vie nocturne.
- Scène Artistique et Littéraire
Les années 1920 voient un renouveau culturel avec des théâtres, des cinémas, et des clubs de jazz qui fleurissent. Les œuvres de H.P. Lovecraft, natif de Providence, commencent à gagner en popularité, bien que son influence soit encore principalement locale.
Les rues sont animées par les tramways, les automobiles et les charrettes à chevaux. Les marchés de plein air, les boutiques spécialisées, et les cafés bordent les artères principales. La criminalité, bien que présente, est surtout le fait de gangs organisés contrôlant la contrebande d'alcool.
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Le récit
Scène 1 - Mardi 7 juillet 1925 - Providence
L'exposition "Les Gardiens des Terres Ancestrales" se tenait au Musée d'Histoire Naturelle de Providence. Elle offrait une immersion profonde dans les cultures amérindiennes, avec une collection exceptionnelle d'artefacts, de costumes traditionnels, de poteries et de peintures. Les objets cérémoniels, comme les tambours sacrés et les masques rituels, étaient particulièrement fascinants. Une reconstitution d'un village typique avec des tipis, wigwams et longhouses permettait aux visiteurs de visualiser la vie quotidienne des tribus. Les enregistrements de légendes racontées par les aînés des tribus ajoutaient une dimension vivante et émotive à l'exposition.
Alors qu'elles déambulaient dans les salles, Charlotte, Nadia et Olivia croisèrent Josh Winscott (PNJ) une connaissance de Nadia. Josh était accompagné par une splendide jeune femme nommée Tina MacShane (Pauline) et par le Frère Luke O'Malley (Christophe) La conversation s'orienta naturellement vers les Amérindiens et l'histoire de Providence.
"Providence a une histoire si riche et complexe," dit Josh avec enthousiasme. "Saviez-vous que des tunnels ont été construits sous la ville à l'époque de l'esclavage ? Ces passages secrets étaient utilisés afin de faire passer les esclaves au nez et à la barbe des autorités. Eh bien, figurez-vous que j'en ai récemment découvert l'accès ! Ces tunnels n'ont pas été explorés depuis des décennies, peut-être même des siècles. Qui sait ce que nous pourrions y trouver ? Des artefacts oubliés, des inscriptions anciennes… Peut-être même des reliques amérindiennes. J'aimerais beaucoup que vous m'accompagniez pour les explorer. Ce serait une aventure incroyable et une occasion unique de découvrir une part cachée de notre histoire."
Intriguées et excitées par la perspective de cette exploration souterraine, Charlotte, Nadia, Olivia, ainsi que Tina et le Frère Luke, acceptèrent l'invitation de Josh.
Josh expliqua ensuite qu'il venait d'hériter de la maison de sa tante et qu'il ignorait totalement l'existence de ce passage secret. Le Frère O'Malley, qui était le confesseur de la tante de Josh, ajouta qu'elle lui avait confié lors de leurs échanges avoir été troublée par des phénomènes étranges dans la demeure, notamment des bruits inquiétants provenant de la cave. Peut être ce passage était-il à l'origine des bruits.
Ces révélations piquèrent encore plus l'intérêt des jeunes femmes, qui avaient très envie de se lancer dans l'aventure, et en cette fin de soirée elles se rendirent à la demeure de style colonial pour avoir un premier aperçu des tunnels.
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Josh Winscott accueillent ses amis dans la demeure de sa regrettée tante. |
Guidés par Josh, ils descendirent dans la cave, où une ouverture avait été pratiquée dans le mur. Une fois franchi, ils débouchèrent dans un large couloir bien étayé. D'anciennes appliques en fer forgé, rongées par la rouille, ornaient les murs. Le passage descendait en pente douce, plongeant rapidement dans les ténèbres. L'atmosphère était lourde et silencieuse, emplie de la promesse de mystères anciens attendant d'être découverts.
Frère O'Malley, observant attentivement l'endroit, remarqua l'absence de rigole et de détritus. "Ce n'est clairement pas un vulgaire égout," commenta-t-il. "L'endroit semble avoir été construit avec soin, sans les signes habituels de négligence ou de saleté que l'on trouve dans les systèmes de drainage. Cela corrobore l'idée que ces tunnels étaient destinés à un usage bien plus sombre et secret."
Ces observations accrurent encore plus la curiosité et l'excitation du groupe, renforçant leur détermination à explorer davantage ces passages et à découvrir leurs secrets enfouis, mais pas en tenue de soirée.
De retour dans la cave, Charlotte recommanda à chacun de se procurer des accessoires adaptés comme des bottes épaisses, une corde, et au moins une lampe-torche. Ignorant ce qui les attendait au sein de ces tunnels mystérieux et ne connaissant pas leur étendue exacte, elle préférait qu'ils se préparassent à toute éventualité. Désinvolte, Tina indiqua que le personnel de l'hôtel serait plus qu'honoré de faire les courses pour elle. Elle s'engagea à fournir le nécessaire pour le lendemain en fin de matinée.
Nadia indiqua qu'il serait plus prudent de se renseigner sur ses tunnels avant de s'y aventurer. Frère Luke confirma que de nombreuses et inquiétantes légendes courraient sur ce type de lieux datant du siècle dernier.
Josh Winscott était prêt à laisser ses amis décider du moment idéal pour débuter leur expédition. S'ils souhaitaient mener des recherches supplémentaires avant de s'aventurer dans le tunnel, il patienterait volontiers. Cependant il leur demanda de garder le secret sur cette trouvaille…
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Scène 2 - Mercredi 8 juillet 1925 - Recherches historiques
Charlotte Bouchard, archéologue de renommée, et son amie Nadia Belluni arrivèrent à la bibliothèque John Hay, célèbre pour abriter la précieuse collection de livres de l'Université Brown. Leur mission : découvrir des informations sur les mystérieux événements et les secrets enfouis de Providence.
Recherche en Bibliothèque
Charlotte et Nadia passèrent plusieurs heures plongées dans les archives poussiéreuses et les livres anciens. Après des recherches méticuleuses, elles tombèrent sur un exemplaire jauni du Providence Journal, daté du 5 juin 1925. L'article, intitulé "Les Souvenirs Cachés de l'Esclavage à Providence," détaillait des récits historiques peu connus sur l'esclavage à Providence, mentionnant des tunnels secrets utilisés pour le commerce des esclaves et des lieux de réunions clandestines. Des témoignages évoquaient également des rituels occultes pratiqués par des groupes dissidents, ajoutant une couche de mystère et de sombre héritage à l'histoire de la ville.
Poursuivant leurs recherches, elles découvrirent également un extrait de la thèse de M. Jonathan Weathers, Professeur d'Histoire à l'Université Brown, intitulée "Cimetières Anciens de Providence : Reflets d'un Passé Oublié." La thèse explorait les cimetières historiques de Providence, révélant des informations surprenantes sur les rituels funéraires et les croyances occultes des premiers habitants de la ville. Les cimetières, loin d'être de simples lieux de repos, semblaient être des lieux troublés, marqués par des légendes et des histoires de revenants.
Avec ces découvertes, les jeunes femmes commencèrent à entrevoir les liens sombres et complexes entre l'histoire de Providence, les tunnels cachés, et les rituels occultes qui continuaient de hanter la ville. Leur quête pour comprendre ces phénomènes étranges les menait de plus en plus profondément dans les ténèbres de l'histoire et des légendes de Providence, une ville où les secrets du passé ne restent jamais enfouis bien longtemps.
Pendant ce temps, Frère O'Malley, déterminé à percer lui-aussi les mystères entourant la ville, se rendit à l'Église Saint-Michel située au 251 Oxford Street.
Plongé dans les archives anciennes de son ordre, Frère O'Malley mit la main sur deux documents d'une importance capitale. Le premier était le journal du Lieutenant James Harrington du C.S.S. Providence, datant de 1863. Ce document terrifiant relatait une brume surnaturelle qui enveloppa la baie de Providence, accompagnée d'attaques par des créatures marines mi-humaines, mi-reptiliennes. Ces créatures étaient liées au culte du Grand Ancien Dagon, une divinité marine terrifiante vénérée par les tribus autochtones.
Le second document découvert par Frère O'Malley était le compte rendu du Père Jonathan Harrington, missionnaire à Providence en 1790. Ce compte rendu évoquait des rituels mystérieux et des légendes locales impliquant des divinités serpentines, notamment Yig, vénéré par les indiens Narragansett de la région. Les récits faisaient mention de symboles ésotériques et de pratiques occultes dans les tunnels souterrains de Providence, suggérant une connexion profonde entre les événements historiques et les mystères du Mythe qui hantaient encore la région.
Frère O'Malley sentit un frisson le parcourir. Un de ces mauvais pressentiments qui n'annonçait rien de bon.
Providence Athenaeum
La veuve MacShane et Olivia se rendirent au Providence Athenaeum, une bibliothèque d'abonnement indépendante située dans le charmant quartier de College Hill. Dès leur entrée, elles constatèrent que, bien que le bâtiment fût ouvert au public, seuls les membres pouvaient consulter les ouvrages de la collection.
Elles furent accueillies par un majordome condescendant, un homme au port hautain et à la moustache impeccablement taillée, qui leur lança un regard désapprobateur, typique de ceux qui, en 1925, sous-estimaient le prétendu "sexe faible". Le majordome, visiblement peu impressionné, commença à leur expliquer les règles d'un ton paternaliste, comme s'il s'adressait à des enfants.
"Mesdames, je crains que seuls les membres puissent consulter notre précieuse collection. Peut-être pourriez-vous revenir avec un… gentleman pour vous assister ?" proposa t-il avec un sourire narquois.
Tina, un sourire prédateur aux lèvres, répondit avec une fermeté polie mais décidée : "Eh bien, nous n'avons pas besoin d'un 'gentleman', mais d'un abonnement. Combien pour l'année ?"
Le majordome, décontenancé, balbutia le montant. Sans hésitation, Tina sortit son porte-monnaie et s'acquitta de l'abonnement annuel pour Olivia et elle-même. Le majordome, visiblement remis à sa place, les guida alors vers la salle de lecture, un peu plus respectueux qu'auparavant.
Une fois les formalités passées, Tina et Olivia commencèrent leurs recherches avec une détermination renouvelée. Les heures passèrent, et elles explorèrent les rayonnages poussiéreux, feuilletant d'anciens manuscrits et des thèses académiques. Finalement, leur persévérance fut récompensée lorsqu'elles découvrirent deux textes fort à propos.
Le premier était un extrait de la thèse de Dr. Abigail Stone, Professeure d'Anthropologieà l'Université Brown. Les anciens peuples indigènes de la région de Rhode Island, notamment les Narragansetts, avaient une riche tradition spirituelle et rituelle, souvent incomprise ou méconnue des colons européens. Leurs pratiques, profondément enracinées dans leur relation avec la nature, comportaient des éléments que certains qualifieraient aujourd'hui d'occultes.
Les Narragansetts croyaient en une multitude d'esprits, tant bénéfiques que malveillants, qui habitaient les forêts, les rivières et les montagnes. Les chamanes, ou powwows, jouaient un rôle central dans la médiation avec ces esprits. Ils pratiquaient des rituels complexes incluant des chants, des danses et des offrandes pour apaiser les esprits et garantir la prospérité de la tribu.
Parmi les rituels les plus intrigants, se trouvaient les cérémonies nocturnes dans les bois sacrés, où les powwows invoquaient des esprits protecteurs pour éloigner les maladies et les mauvais sorts. Des cercles de pierres et des totems étaient souvent érigés en des lieux jugés particulièrement puissants, créant des sanctuaires mystiques imprégnés d'une énergie palpable pour les observateurs extérieurs.
Les récits de colons mentionnaient également des rituels de purification par le feu et l'eau, visant à nettoyer l'âme et le corps des influences négatives. Ces cérémonies, souvent tenues en secret, avaient été décrites avec un mélange de fascination et de crainte par les premiers Européens, qui voyaient en elles des pratiques païennes incompréhensibles.
La chance et leurs connaissances permirent ensuite à Tina et Olivia de mettre la main sur une véritable pépite dans les archives coloniales : une lettre rédigée par Jacob Bishop en 1811. Leur excitation était palpable alors qu'elles commençaient à déchiffrer le contenu jauni par le temps.
La lettre, adressée à un certain Phillip, relatait les dernières confessions d'Elijah Winscott, un homme tourmenté par des souvenirs sombres. Winscott, autrefois impliqué dans le négoce d'esclaves, avait raconté à Jacob comment, quinze ans auparavant, il avait creusé un tunnel sous sa maison pour faire passer des esclaves de la rivière à la ville, contournant ainsi les lois restrictives de l'époque.
Cependant, l'opération avait tourné au cauchemar. Winscott et ses hommes avaient découvert dans le tunnel les corps déchiquetés et les membres éparpillés des hommes blancs et noirs participant au premier voyage entre les quais et les entrepôts. Il était noté qu'il n'y avait aucune trace des femmes qui auraient dû être là. Les ombres du souterrain semblaient se jouer d'eux, et Winscott, terrifié, avait fait murer les passages sous sa demeure et près de la rivière.
Cette expérience l'avait hanté jusqu'à sa mort, le laissant convaincu qu'un gouffre maléfique s'étendait sous Providence. Elijah n'avait jamais retrouvé la paix, tombant malade et cessant toute activité jusqu'à ses derniers jours. Jacob terminait la lettre en espérant que le manoir d'Elijah apporterait plus de réconfort à ses héritiers.
En lisant cette lettre, Tina et Olivia comprirent qu'elles avaient mis la main sur une histoire à la fois macabre et fascinante, liant les mystères de Providence à des événements tragiques et inexpliqués du passé. Leur excitation grandissait à mesure qu'elles réalisaient l'ampleur de leur découverte, sentant qu'elles se rapprochaient de plus en plus de la vérité cachée sous les rues de la ville.
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Scène 3 - Mercredi 8 juillet 1925 - Les souterrains
Les investigateurs regagnèrent la maison de Winscott en fin d'après-midi, bien plus tard que le rendez-vous fixé. En frappant à la porte, ils ne reçurent aucune réponse. Celle-ci était déverrouillée, mais leurs appels au maître de maison restèrent vains.
Descendant au sous-sol, ils découvrirent une tasse de café froid et des outils gisant près du mur. Allumant leurs lampes, ils se faufilèrent dans le tunnel visité la veille. Charlotte, grâce à ses talents acquis en Amérique du Sud, découvrit des empreintes humaines menant vers l’ouest, mais celles-ci disparaissaient rapidement.
Ils suivirent le boyau sur une bonne centaine de mètres et tombèrent sur d’anciens restes humains à trois mètres environ d’une ouverture dans la paroi sud. Il s’agissait des squelettes de six personnes, trois d’entre eux portaient des menottes de fer aux poignets et aux chevilles. Les vêtements pourris des squelettes dépourvus de menottes dataient sans doute de l’époque coloniale. Les ossements étaient éparpillés, probablement en raison de l’action de la vermine locale. L'un des crânes était enfoncé, indiquant une mort violente.
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Guidé par Charlotte, le groupe progresse dans les sombres souterrains. |
Près de l’ouverture de la paroi sud, un mégot de cigarette turque, probablement abandonné par Winscott, apparut dans le faisceau des lampes. L’ouverture débouchait sur un passage en pente descendante. Le tunnel, accidenté et sinueux, s’enfonçait sur presque huit cents mètres de long, à une profondeur d’une soixantaine de mètres, estima Tina, à la surprise de ses compagnons. Au bout, les investigateurs aperçurent une faible lueur au détour du passage. Celui-ci devint plus droit et l’intensité de la clarté augmenta, même si la source en demeurait inconnue. Bientôt, le passage s’ouvrit sur une vaste salle éclairée par des lichens phosphorescents. Cette première zone découcha sur une longue salle tortueuse décorée de bas-relief complexes qui laissa les explorateurs sans voix pendant un long moment.
Les sculptures représentaient des paysages ornés de tours et de bâtiments imposants. Des silhouettes d’hommes-serpents en robe y étaient gravées, s’adonnant à diverses activités. Sur certaines fresques, ces êtres vénéraient un immense serpent dont le front était marqué d’un symbole en forme de croissant. Sur d’autres, les hommes-serpents et leurs villes subissaient l’assaut de gigantesques reptiles.
Charlotte, scrutant attentivement les bas-reliefs, reconnut plusieurs dinosaures parmi les créatures représentées, notamment des ptérodactyles emportant dans les airs d’infortunés hommes-serpents. Cette révélation – une représentation antique et pourtant précise des dinosaures – troubla profondément le groupe. Ils réalisèrent que ces fresques, gravées il y a des millénaires, contenaient des connaissances que la science moderne n’avait découvertes que récemment.
Les scènes finales des fresques étaient particulièrement poignantes. Elles montraient le peuple serpent abandonnant leurs majestueuses villes de la surface, chassés par les reptiles géants. Ils se réfugiaient sous terre, s’y créant une nouvelle patrie dans les profondeurs obscures de la terre.
Les investigateurs ressentirent un mélange d’émerveillement et de crainte devant ces œuvres d’art anciennes. Chaque détail sculpté semblait murmurer les secrets d’une civilisation perdue, une civilisation qui avait connu des luttes terribles et avait trouvé refuge sous la terre. Mais ils ne pouvaient s’empêcher de se demander ce que cela signifiait pour eux, ici et maintenant, alors qu’ils exploraient les mêmes tunnels. Leurs esprits tourmentés par les images gravées dans la pierre, ils continuèrent à avancer, plus déterminés que jamais à retrouver Josh.
Alors que la progression se poursuivait, Nadia et Frère O'Malley échangèrent des observations. Ils remarquèrent que plus ils s'enfonçaient dans la caverne, plus la qualité artistique des gravures se dégradait, jusqu'à disparaître complètement. Les dernières scènes identifiables montraient l'arrivée d'un météore, déclenchant des cataclysmes provoquant la mort des reptiles géants et l'avènement de … l'homme.
Nadia, scrutant les détails des fresques avec fascination, murmura à Frère O'Malley : "Regardez ici, Frère Luke, cette scène où le météore s'abat sur la terre. Cela ressemble à une représentation païenne du déluge."
Frère O'Malley observa les bas-reliefs avec une expression sérieuse. "En effet, Nadia. Dans les légendes associées à Yig, le serpent cosmique, il est souvent décrit comme protecteur des hommes-serpents. Certaines traditions parlent de cataclysmes naturels causés par des météores ou des forces cosmiques, comme une forme de jugement divin."
Pendant ce temps, Olivia prenait des photos avec son appareil photo à plaques. Elle ajustait les réglages pour capturer chaque détail malgré la faible luminosité de la caverne. "Ces gravures sont incroyables," dit-elle doucement, en enregistrant chaque image. "Elles racontent vraiment une histoire unique et si loin de ce que l'on enseigne de nos jours."
Frère O'Malley, absorbé par l'atmosphère chargée de mystère de la salle, acquiesça en regardant Olivia travailler. "Ces photographies pourraient fournir des indices précieux sur la culture et l'histoire de ces anciens peuples. Elles pourraient nous aider à déchiffrer le sens caché derrière ces représentations."
Le silence retomba alors que les lampes éclairaient le chemin devant eux, révélant un passage plus étroit qui semblait mener plus profondément dans les entrailles de la terre. Les investigateurs se regardèrent brièvement, partageant un mélange d'excitation et d'appréhension face à ce qui les attendait dans ces profondeurs inexplorées.
- Nous ne sommes pas seul !
Charlotte et Tina avaient poussé plus loin leur exploration. Devant elles, le couloir aboutissait sur un à-pic d'une dizaine de mètres avant de se poursuivre en contrebas.
À mi-chemin de la pente, Charlotte éclaira une chaussure dans la lumière de sa torche, clairement identifiée comme celle de Josh. Décidant de prendre les choses en main, Tina, passionnée de spéléologie, entreprit la descente assurée par Charlotte. Ensemble, elles tracèrent un chemin vers sûr, récupérant la chaussure au passage. L'inquiétude grandit encore lorsque, dans la nouvelle section du dédale, Charlotte découvrit une traînée de sang, ajoutant un sinistre indice à leur recherche désespérée.
Charlotte tenta de suivre une piste éventuelle et pénétra, suivi de ses compagnons un couloir beaucoup plus large. Ils entendirent alors un bruit de course et se figèrent. Le Père O'Malley, le cœur battant, leva sa lanterne et distingua fugitivement une petite créature humanoïde, à la peau sombre et luisante, qui disparut rapidement dans un étroit boyau. Impulsivement, Charlotte et Tina se lancèrent à la poursuite de cette chose, laissant leurs compagnons figés par la stupeur. La traque tourna court alors que la créature s'engageait dans un passage étroit, bien trop exigu pour permettre le passage aisé d'un être humain.
Le prêtre irlandais ressentit un léger soulagement en considérant la taille de la chose; cependant, il ne pouvait s'empêcher de se questionner sur sa propre santé mentale. Était-il en train de perdre la tête pour imaginer que des hommes-serpents venus des temps anciens puissent encore exister en 1925 ?
Renonçant à poursuivre l'inquiétante silhouette, le groupe fit demi-tour et s'engagea dans l'un des passages latéraux. Celui-ci débouchait sur une vaste grotte dépourvue de lichen phosphorescent. Les cristaux des parois reflétaient toutefois les lumières vacillantes des lampes, projetant des reflets inquiétants sur les murs. Le plafond culminait à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de leurs têtes, accentuant la sensation d'immensité oppressante.
Contre le mur du fond, ils aperçurent une structure bizarre, composée de tuyaux de bronze incrustés de cristaux de tailles et de couleurs variées. Les tuyaux pénétraient dans le mur à plusieurs endroits, leurs extrémités visibles se terminant en pointe menaçante. À six mètres de l’étrange assemblage, une formation rocheuse sculptée en forme de siège grossier et inconfortable pour un humain trônait, ajoutant une touche de mystère supplémentaire à la scène.
Une étrange mélopée emplit la pièce à leur entrée, envoûtante et sinistre. Tina, n'y résistant pas, s'avança suivie de près par Lidia et le Frère O'Malley. Peu rassurée, Miss Nadia resta figée sur le seuil, ses yeux scrutant l'obscurité avec appréhension. Charlotte, nerveuse, tripotait son colt, prête à réagir à la moindre menace. Leurs pas résonnaient dans la grotte, chaque écho amplifiant l'angoisse qui les enveloppait, tandis que la mélopée semblait se moquer de leur intrusion.
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Olivia ne peut s'empêcher d'immortaliser l'instant pour son journal. |
En s'approchant, ils distinguèrent des formes ovales plantées sur certaines des pointes des tuyaux. Leur horreur grandit lorsqu'ils réalisèrent qu'il s'agissait d'une vingtaine de têtes humaines. La vue de ces visages figés dans une expression de sérénité grotesque, avec des paupières closes, les pétrifia.
Tandis qu'ils s'approchaient du siège, ils comprirent rapidement que la musique provenait des têtes, qui gémissaient doucement en chœur. Les têtes, conservées par un procédé inconnu, étaient gravées de runes sinueuses profondément enfoncées dans leur chair. Leurs bouches et les muscles de leurs gorges s'agitaient, émettant une mélopée envoûtante. Certaines des têtes appartenaient manifestement à des hommes européens et d'autres à des Africains.
La mélopée susurrée par ces têtes mutilées avait quelque chose de mélodieux, mais le spectacle était monstrueux. L'horreur de la scène se mêlait à l'inexplicable beauté de la musique, créant une dissonance troublante. Olivia, malgré la terreur, sortit son appareil photo pour immortaliser cette découverte macabre, ses mains tremblant légèrement.
Tina et Lidia, leurs cœurs battant à tout rompre, s'avancèrent prudemment, tandis que le Frère O'Malley murmura une prière, espérant apporter un peu de paix aux âmes tourmentées. Nadia, toujours figée sur le seuil, avait le visage livide, et Charlotte, la mâchoire serrée, continuait de tripoter son colt nerveusement. Leurs esprits étaient en proie à une angoisse croissante, chaque gémissement des têtes résonnant dans leurs âmes comme une symphonie de l'horreur.
Tina, incapable de résister à l'attraction sinistre du siège, s'y installa. Instantanément, le chant s’intensifia, devenant plus complexe et envoûtant. Les harmonies qui en émanaient ne ressemblaient à rien de connu des investigateurs. La mélopée, toujours plus puissante, semblait vouloir les engloutir dans un océan d'épouvante et d'énigme insondable. L'inquiétude se changea en une frayeur sourde alors qu'ils réalisaient que Tina était désormais en communion avec ce chant macabre, ses yeux reflétant une lueur étrange et inconcevable. La jeune veuve sembla perdre pied, gloussant avant de rire hystériquement et de se jeter sur l'étrange et monstrueux orgue.
Au même moment, Nadia fut enveloppée par une puissante odeur de mort et de charogne. Elle se retourna et poussa un hurlement en découvrant, à quelques pas d'elle,
surgissant de la pénombre, une créature humanoïde à la peau jaunâtre et visqueuse, aux griffes acérées et aux crocs proéminents. Avant qu'elle ne puisse réagir, la créature se jeta sur elle et lui lacéra le torse. Le cri déchirant de Nadia fit réagir Charlotte, qui ouvrit le feu sans réfléchir. L'aboiement du colt résonna dans la caverne, mais la balle frappa un stalagmite, manquant sa cible.
La créature poussa un rugissement de défi en direction de l'audacieuse archéologue avant de se tourner à nouveau vers Nadia. Son regard de prédateur se fixa sur l'autrice pétrifiée par la peur. En un éclair, elle frappa, ses crocs se plantant profondément dans l'épaule de Nadia. Son cri de douleur résonna dans la caverne avant qu'elle ne sombre dans lune bienheureuse inconscience.
Olivia laissa choir son appareil et dégaina son pistolet. Elle tenta un tir au jugé en reculant vers Tina, mais manqua sa cible. Les rires déments de son amie résonnaient, ajoutant une note de folie à l'horreur ambiante. Olivia s'approcha et, dans un acte désespéré, la gifla violemment pour la ramener à la réalité.
Frère O'Malley, une prière de Saint Louis de Gonzague sur les lèvres, avança résolument vers le serviteur de la Bête, arme au poing. Mais Charlotte, son courage alimenté par une terreur indicible, ajusta son second tir avec précision. La balle frappa la créature en pleine poitrine. Cette dernière poussa un feulement de rage tout en reculant. Elle se fondit dans les ombres du couloir et disparut, laissant derrière elle une atmosphère chargée de tension et de peur.
***
Conclusion de la cession de jeu
La tension retomba légèrement avec la fuite de la créature, mais la mélopée sinistre continuait de résonner dans la caverne, amplifiant l’atmosphère d’horreur. Frère O'Malley se précipita auprès de Nadia, toujours inconsciente, et constata que sa blessure était profonde et vilaine. Il savait qu'il était impératif de la faire examiner par un médecin au plus vite. Les jeunes femmes étaient clairement sonnées par les événements d'une violence inouïe qui venaient de se dérouler sous leurs yeux.
Charlotte semblait perdre pied avec la réalité, ses yeux fixés dans le vide, murmurant des mots incohérents. Olivia, secouée mais déterminée, s'agenouilla devant elle, lui parlant fermement et la secouant doucement jusqu'à ce que Charlotte cligne des yeux et reprenne conscience de son environnement. Tina, encore hébétée après sa crise de panique, exprimait son désir de fuir cet endroit maudit et de signaler la disparition de Josh aux autorités.
"Nous devons partir," insista Tina, sa voix tremblante. "Il faut prévenir les autorités et les amener ici. Josh… Josh pourrait encore être en vie quelque part."
Frère O'Malley hocha la tête. "Nous devons aussi nous occuper de Nadia. Elle a besoin de soins médicaux immédiats."
Olivia se releva, déterminée. "D'accord. On va sortir d'ici, ramener de l'aide et retrouver Josh. Ensemble, on va y arriver."
Rassemblant leurs forces, le groupe se prépara à quitter la caverne, le poids des événements récents pesant lourdement sur leurs épaules, tandis que la mélodie étrange continuait de hanter leurs esprits.
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Références
- Récit basé sur l'aventure "L'ombre sous la colline" par Christopher Smith Adair disponible dans le supplément Appel de Cthulhu "Aux portes des ténèbres", Edge Studio (Juin 2020), ISBN : 843-5-407-62948-6
- Illustrations
- Postcard - Providence Biltmore Hotel Rhode Island 1925
- Salle des bas reliefs & chambre musicale par Eric M. Lofgren - extraite du sup "Aux portes des ténèbres"
- Photos
- Providence, R.I.Jhon Hay Memorial Library Brown Université Postcard
excellent récit, la folie monte crescendo.
RépondreSupprimerMerci beaucoup :-) J'espère que la fin du récit te plaira.
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