mercredi 4 septembre 2024

L'appel de Cthulhu - Aux portes des Ténèbres 02

 L'ombre sous la colline - Séance 2

Seuil vers L'Ombre sous la Colline - Séance 1

Où nous retrouvons les investigateurs perdu dans les ruines d'une ancienne civilisation sous la ville de providence.

***

Les investigateurs, le cœur battant à tout rompre, avaient fui la salle musicale, leurs pas résonnant dans les sombres corridors. La mélodie étrange continuait de les hanter, se mêlant à l'écho de leurs respirations haletantes. Frère O'Malley priait à mi-voix, ses mots se perdant dans l'obscurité tandis qu'ils remontaient le labyrinthe, guidés par une peur viscérale.

Ils parvinrent enfin au couloir des fresques préhistoriques, ces visions de mondes oubliés semblant soudain bien moins menaçantes que l'horreur qu'ils venaient de laisser derrière eux. Les yeux de Charlotte glissaient sans les voir sur les sculptures d'hommes-serpents et de dinosaures, alors que l'esprit de Tina semblait perdu, hanté par l'étrange musique et les événements récents.

Enfin, ils atteignirent le pied de l'à-pic où ils avaient laissé la corde, leur seule issue vers la surface et la lumière.

Le groupe d'investigateurs doit quitter le plus vite possible la chambre musicale !

En atteignant le pied de l'à-pic, ils furent frappés par un détail glaçant : la corde qu'ils avaient laissée pendue pour leur ascension avait disparu. Frère O'Malley, tenant fermement sa lampe, balaya l'obscurité du faisceau tremblant, espérant contre toute raison que la corde serait simplement tombée. Mais ce qu'ils découvrirent fut bien plus sinistre.

Autour de l'endroit où la corde aurait dû être, des empreintes griffues étaient imprimées dans la poussière. Elles évoquaient sans équivoque celles de la créature qui les avait attaqués dans la salle de l'harmonium. Les griffes avaient creusé le sol, laissant des marques profondes et menaçantes.

Frère O'Malley se redressa lentement, l'air sombre. "Ce monstre nous a suivis ! " murmura-t-il, sa voix résonnant comme un funeste présage. Son regard remonta lentement vers le sommet de l'à-pic, où la lumière de sa lampe vacillante dévoila brièvement une silhouette sombre.

Les investigateurs se figèrent, le souffle coupé. La créature se tenait là, à peine visible dans l'obscurité, mais suffisamment pour qu'ils comprennent que leur retraite était coupée. Un silence lourd s'installa, brisé uniquement par le lointain écho de la sinistre mélodie qui résonnait encore dans les profondeurs du tunnel.

Charlotte serra les poings, son arme prête, tandis que Tina, les yeux écarquillés, cherchait désespérément une autre issue. Nadia, le cœur battant à tout rompre, recula lentement, le visage blême. Frère O'Malley, la mâchoire serrée, éleva une prière muette, conscient que la moindre erreur pourrait leur coûter la vie.


Mise en place de la partie


Après un bref conciliabule, les investigateurs décidèrent qu'il était suicidaire de tenter d'escalader la paroi sous l'œil avide de la créature. Aucune des personnes présentes ne se sentait de taille à affronter la goule qui les guettait dans les ténèbres. Leurs regards se croisèrent, lourds de tension et de peur, avant que Tina, toujours tremblante après sa récente crise, ne prenne la parole.

"Il faut trouver un autre chemin," murmura-t-elle, sa voix teintée de désespoir mais résolue.

Frère O'Malley hocha la tête, approuvant silencieusement. Ils n'avaient pas le choix. La créature bloquait leur retraite, et tenter de l'affronter ici, dans cette situation désavantageuse, serait une folie.

Charlotte, nerveuse mais déterminée, balaya la zone avec sa lampe, cherchant encore une échappatoire qui leur permettrait de fuir cet enfer souterrain. Nadia jeta un dernier regard vers la silhouette sinistre au sommet, avant de tourner les talons. Elle savait qu'ils devaient partir, et vite.

Sans un mot de plus, ils rebroussèrent chemin, se glissant furtivement dans les corridors obscurs, espérant trouver une issue avant que la goule ne les rattrape.


***


De retour dans le plus grand des couloirs, tous se figèrent, le sang glacé par l’horreur qui se dévoilait devant eux. Le chemin, qui quelques instants auparavant semblait leur unique espoir de fuite, était désormais obstrué par une horde de créatures humanoïdes. Leur apparence évoquait celle de singes livides, mais avec un front fuyant, de grands yeux globuleux, des mâchoires proéminentes en forme de museau, et des bras anormalement longs. Les créatures trottinaient ou avançaient d'un pas hésitant, remplissant l'air de leurs grognements et chuchotements inintelligibles.

Les deux groupes se firent face, chacun pétrifié par la vision de l’autre. À la lumière vacillante des lampes, les créatures dévoilèrent leur véritable nature. Charlotte, les mains tremblantes, reconnaissait avec une terreur croissante les traits humains déformés de ces êtres. Elle murmura d'une voix à peine audible, ses mots chargés d’une certitude morbide : "Ce sont des descendants… des esclaves capturés il y a plus d’un siècle… et leurs ravisseurs. Le produit de générations de consanguinité et de conditions infernales…"

L’archéologue, déjà fragilisée par les précédents événements, sentit sa raison vaciller dangereusement. Frère O'Malley, observant son état, tenta de l’apaiser d’un regard protecteur, mais lui-même était dépassé par l’ampleur de l’horreur qui se déroulait devant eux. Olivia, en revanche, se trouva fascinée par la scène qui s'offrait à ses yeux. Dans un élan de professionnalisme morbide, elle prépara son appareil photo pour immortaliser ce moment inouï.


C'est alors que Tina, son esprit définitivement brisé par les atrocités vécues, s’avança vers les créatures en fredonnant un air de Charleston, gloussant comme si elle se trouvait dans une soirée mondaine. Son comportement incohérent prit une tournure macabre lorsqu'elle commença à aguicher les mâles monstrueux, qui, à la grande horreur de Frère O'Malley, réagirent à ses avances. Le dominant s’approcha, ses intentions claires, mais un jeune mâle, refusant de céder sa place, se jeta sur Tina et arracha sa robe dans un geste brutal.

Frère O'Malley, éberlué et totalement désemparé, se retrouvait incapable d’agir, tiraillé entre la nécessité de protéger ses compagnons et l’horreur de la scène qui se déroulait sous ses yeux. L'incapacité à choisir une action le paralysa, tandis que Charlotte hurla que ces monstres devaient être exterminés. La détonation de son revolver retentit soudain, déchirant le silence oppressant de la caverne.

Simultanément, Tina reprit ses esprits et se mit à hurler de terreur, réalisant la nature de ceux qu’elle avait inconsciemment tenté de séduire. Olivia, fidèle à son instinct de journaliste, déclencha son appareil dans un flash éblouissant qui immortalisa l’horreur de la scène. L’effet combiné du coup de feu, des cris, et du flash provoqua une panique totale chez les créatures qui se dispersèrent en tous sens, une d’entre elles s’effondrant, blessée à mort par la balle de Charlotte.




Dans le chaos qui s’ensuivit, les investigateurs se retrouvèrent seuls, l'écho de leurs propres cris résonnant contre les parois humides du couloir, avec pour seule compagnie le cadavre et la terreur qui ne cessait de grandir.

Frère O'Malley comprit qu'ils n'auraient peut-être pas d'autre chance de s'en sortir vivants. Mais avant toute autre action, il retira sa veste d'un geste rapide et la jeta sur les épaules tremblantes de Tina, tentant de dissimuler sa nudité et de lui rendre un semblant de dignité. Tandis qu'il murmurait quelques paroles de réconfort, il jeta un regard inquiet en direction d'Olivia, qui, après avoir soigneusement rangé son appareil dans sa sacoche, se tourna vers Charlotte. Celle-ci affichait un sourire sauvage, ses yeux brillants de folie fixés sur le corps inerte de la créature qu'elle venait d'abattre. Nadia, quant à elle, se tenait tremblante au côté de l'archéologue, son pistolet inutilisé à la main. 

"On ne peut pas rester là," murmura le religieux, sa voix grave trahissant une tension à peine contenue. "Le temps presse, et notre seule option désormais est de nous enfoncer encore plus dans les ténèbres, à la recherche d'un passage qui pourrait nous mener à la surface." Il marqua une pause, ses yeux se tournant vers le plafond invisible de la caverne, puis ajouta d'une voix empreinte de foi désespérée : "Nous sommes dans la main de Dieu."


***

Les ténèbres devant eux semblaient s'étirer à l'infini mais l'idée de rester sur place, entourés par ces créatures et les restes de leur congénère, était tout simplement impensable. Le groupe se resserra, leurs pas hésitants et leurs cœurs battant à l'unisson, alors qu'ils se préparaient à affronter ce qui les attendait dans les profondeurs insondables de la terre.

Ils passèrent rapidement devant les terriers sombres où les humanoïdes s'étaient réfugiés, jetant des regards furtifs aux formes tapies dans les ombres. La lumière des torches vacillantes se reflétait parfois sur des yeux monstrueux, observant silencieusement leur passage. Frère O'Malley était persuadé que l'un de ces sinistres terriers devait être relié à la surface, ou à tout le moins au réseau des égouts de Providence. Cependant, il savait que ses compagnes n'étaient pas en état d'affronter une nouvelle fois ces créatures bestiales. Aussi, guidait-il le groupe plus profondément dans les catacombes pré-diluviennes, les éloignant de ces repaires menaçants.

Ils parcoururent les couloirs interminables pendant ce qui leur sembla être des heures, les murs suintants et les plafonds bas étouffant leur souffle. Bientôt, ils ne disposèrent plus que d'une unique lampe torche, sa lueur vacillante luttant contre l'obscurité. Ce fut à cet instant critique que Frère O'Malley, le visage grave, sortit de son sac une vieille mais puissante lanterne à capuchon. La lumière vive perça les ténèbres, dévoilant des détails inquiétants des parois rocheuses, et la marche reprit, plus assurée.

Bien qu'il fût difficile de s'orienter dans ce dédale de pierre, Tina, encore secouée par son traumatisme, parvint à reprendre suffisamment ses esprits pour évaluer leur situation. Son expérience en spéléologie se révéla précieuse ; après avoir observé l'inclinaison des parois et l'humidité croissante du sol, elle affirma d'une voix tremblante mais résolue qu'ils se dirigeaient vers le fleuve. Le groupe, épuisé mais déterminé, continua d'avancer, l'espoir ténu qu'ils étaient enfin sur la bonne voie s'accrochant à leurs cœurs comme une lueur dans l'obscurité sans fin.

***

Le bruit de l'eau se fit entendre quelques minutes plus tard, un murmure lointain qui venait corroborer l'affirmation de Tina. Le son rassurant d'un cours d'eau, signe de vie et d'espoir, provenait cependant d'un tunnel secondaire, sombre et étroit, qui bifurquait à gauche. Malgré l'attirance naturelle vers cette source potentielle de salut, personne ne voulut se détourner de ce qui semblait être l'artère principale du dédale, le seul chemin qui pourrait peut-être les ramener à la surface.

Charlotte, l’esprit encore troublé par les récentes horreurs, suggéra timidement de s’arrêter pour étancher leur soif si l’eau était accessible. Mais sa proposition se heurta à un silence unanime. Personne ne voulait prendre le risque de s'aventurer dans un passage inconnu, aussi tentant soit-il. Le groupe, épuisé et nerveux, était trop concentré sur l’idée de s’échapper pour considérer une telle option.

L'eau que les investigateurs avaient entendue alimentait le "jardin" des dégénérés

Profitant de cet instant d’échange, Frère O'Malley se tourna vers les jeunes femmes et, d’une voix basse et grave, leur confia une inquiétude qui le rongeait depuis un moment. Il leur révéla qu’il pensait que le groupe était suivi. À plusieurs reprises, il avait perçu des échos étranges, comme le bruit d’un piétinement léger mais régulier, résonnant non loin derrière eux. Ses mots firent frissonner le petit groupe, ajoutant une nouvelle couche d’angoisse à leur périple déjà terrifiant. Le silence qui suivit fut lourd, chacun tendant l’oreille, espérant – ou redoutant – entendre ce que le prêtre avait capté.

Cric, cric. Le bruit sinistre de griffes raclant le sol rocheux résonna derrière eux, se mêlant au martèlement de leurs cœurs affolés. Le son, d'abord léger et distant, semblait se rapprocher, se faisant de plus en plus distinct à chaque pas. Un frisson glacial parcourut l'échine de chaque membre du groupe. Le danger était palpable, tout près, trop près.

Terrorisés mais refusant de céder à la panique, ils échangèrent un regard entendu. Sans un mot, ils s’élancèrent vers l’avant, leurs pas se faisant plus rapides, plus urgents, mais sans pour autant se transformer en une course désespérée.

***

Le chemin qu'ils suivaient finit par se diviser en deux passages strictement identiques, plongeant le groupe dans une hésitation lourde de conséquences. Les deux corridors, semblaient identiques, chacun s'étirant vers l'inconnu avec une promesse voilée de terreurs supplémentaires.

Après un bref échange de regards inquiets, sans parole mais chargé de tension, ils choisirent le passage de gauche. Ils ignoraient alors que, s'ils avaient pris à droite, ils auraient été conduits directement dans le temple de Yig, un lieu de cultes anciens et de rituels impies, où les secrets des hommes-serpents auraient pu révéler une vérité bien plus terrifiante encore.

Le temple de Yig va t-il redevenir un lieu de puissance ?

Leur décision prise, ils s'engagèrent dans le passage de gauche, avançant dans les ténèbres, sans se douter que chaque pas les éloignait d'une destination qui, bien que menaçante, aurait pu leur offrir une compréhension inédite de l'horreur qui les entourait.

***

Le groupe avança prudemment mais après quelques dizaines de mètres, le couloir se scinda de nouveau en deux passages. Cette fois, une douce lueur émanait du couloir de droite, perçant légèrement l'obscurité. La lumière, bien que faible, semblait promettre sécurité et répit tant attendu. Charlotte, Nadia et Olivia laissèrent échapper un soupir de soulagement, croyant voir enfin la fin de ce cauchemar. Frère O'Malley, lui, pria en silence, mais une sombre intuition lui soufflait que ce répit était illusoire.

Alors que le groupe se tenait là hésitant, Tina, l'esprit déjà brisé par les horreurs rencontrées, craqua. Ses yeux s'illuminèrent de folie, et, d'une voix perçante, elle hurla : "Josh ! Josh ! Nous sommes là ! C'est Tina ! Nous allons te sauver, mon chéri !" Elle se précipita vers la lumière comme un papillon attiré par une flamme fatale. Mais avant qu'elle ne puisse s'élancer, Frère O'Malley, mû par une force désespérée, parvint à saisir son bras, la retenant in extremis.

Le cri de Tina résonna dans les tunnels, son écho s'étirant dans les ténèbres, jusqu'à ce que soudain, la lueur vacillante qui leur offrait un semblant d'espoir s'éteigne brusquement, comme soufflée par une main invisible. Le passage fut plongé dans une obscurité totale.

Cric, cric. Le bruit sinistre de griffes raclant le sol rocheux résonna de nouveau, mais cette fois, il était terriblement proche. Les investigateurs pouvaient presque sentir le souffle glacial de la créature.

***

Le son d'un gong profond résonna dans les ténèbres, étouffant le bruit des griffes qui continuaient à érafler le sol derrière eux. Ce ton lugubre semblait annoncer l'entrée en scène du dramatis personnae de cette expédition cauchemardesque. Frère O'Malley, les nerfs à vif, tourna le faisceau de sa lanterne vers le couloir désormais obscur. La lumière accrocha les silhouettes grotesques de deux hominidés, mais ce n'était pas eux qui captivaient l'attention des investigateurs.

Derrière ces créatures primitives se tenait l'incarnation même de la terreur : un humanoïde colossal, avoisinant les deux mètres de haut. Ce monstre arborait un long tabard beige et une courte cape turquoise, ornée d'un collier précieux qui pendait autour de son cou comme un symbole de pouvoir ancestral. Mais ce qui faisait véritablement frémir était le visage de la créature. Là où un visage humain aurait dû se trouver se dressait une tête de cobra royal, majestueuse et terrifiante. Ses écailles étincelaient d'une lueur sinistre à la lueur vacillante de la lanterne, et ses yeux, perçants et impitoyables, fixaient les investigateurs avec une intelligence froide et malveillante.

Une odeur nauséabonde de charogne enveloppa alors le groupe, rendant l'atmosphère encore plus suffocante. Le ghast, cette créature abjecte qu'ils avaient déjà affrontée, émergea du couloir sombre, révélant qu'il avait traqué les investigateurs tout ce temps. L'instant sembla suspendu, comme si le temps lui-même retenait son souffle. Puis, soudain, tout bascula dans un chaos inouï.

***

Rongée par une rage incontrôlable, Charlotte se laissa emporter dans un déchaînement de violence. Elle vida son arme sur le premier des hominidés, hurlant des injures insensées. Tina, dans une tentative désespérée de la calmer, n'obtint en réponse qu'une explosion de colère. Charlotte, démente, lui fracassa le nez d'un coup violent en l'insultant furieusement. Tina, désormais poussée à bout, ceintura Charlotte et la projeta au sol avant de prendre la fuite, terrifiée, par le couloir non exploré, abandonnant ses compagnons à leur sort. Oliva s'élança sur ses talons. 

Nadia, paralysée par la terreur, ne pouvait que regarder, impuissante, tandis que Charlotte, toujours au sol, s'acharnait sur le second hominidé qui s'était imprudemment approché. Elle lui mordit le mollet avec une telle férocité qu'elle en arracha un morceau de chair épais, ses cris de folie résonnant dans les ténèbres. L'autrice, désormais à bout de nerfs, se décida enfin à agir et tira à son tour, blessant la créature au moment où elle s'apprêtait à riposter.




Frère O'Malley, résolu à affronter la menace, se jeta sur le ghast. Dans un acte désespéré, il brisa sa lanterne sur le crâne du monstre, répandant l'huile enflammée sur son corps putride. La bête hurla de douleur avant de s'enfuir, enveloppée de flammes, ses cris perçant l'obscurité.

L'homme-serpent, resté immobile jusque-là, fit alors preuve de ses pouvoirs terrifiants. Ses yeux fixèrent Nadia, la plongeant dans des visions cauchemardesques du culte de Yig. Mais la jeune femme, avec une volonté de fer, parvint à repousser cette intrusion mentale. Charlotte, toujours au sol, ne relâcha pas son emprise sur son adversaire. Dans un dernier acte de sauvagerie, elle le fit tomber à terre et lui fracassa le crâne, hurlant de folie.

Ce fut trop pour Nadia. Son esprit, déjà ébranlé, céda enfin, et elle prit la fuite à son tour, emportée par une panique irrépressible. Frère O'Malley, désormais libre de l'horreur du ghast, refusa d'abandonner Charlotte. Il dégaina un pistolet, qu'il avait jusqu'alors gardé caché, et le pointa sur le sorcier homme-serpent. Avec un sang-froid étonnant, il releva Charlotte, maintenant plus calme après la mise à mort du dégénéré.

Entraînant l'archéologue, il recula prudemment dans le corridor emprunté par Tina, le cœur battant. Mais alors qu'ils s'éloignaient, un nouveau ghast apparut dans la lumière vacillante de l'huile répandue au sol et qui finissait de se consumer, ajoutant une nouvelle menace à une liste déjà bien trop longue.

***

Après sa fuite précipitée, Tina n'était pas allée bien loin. Le passage qu'elle avait choisi l'avait conduite à une vaste salle souterraine, où elle s'était arrêtée, à bout de souffle et l'esprit encore en proie à la panique. Olivia, qui avait suivi la direction qu'avait empruntée sa compagne, la rejoignit quelques instants plus tard, guidée par la lumière tremblotante de l'unique lampe torche que Tina tenait fermement.



Le faisceau lumineux balaya la pièce, révélant un spectacle aussi fascinant qu'inquiétant. Suspendues au plafond de la salle, vingt et une cosses jaunes et translucides se balançaient doucement dans l'air humide, oscillant dans la brume épaisse qui s'échappait d'étranges ouvertures au-dessus. À l'intérieur de chaque cosse, on pouvait distinguer des formes indistinctes, des silhouettes humanoïdes aux traits reptiliens, flottant dans un liquide vert et mousseux qui semblait les maintenir dans un état de stase.

Cependant, ce n'était pas ce qui glaça le sang des deux femmes. L'une des cosses, à la différence des autres, était déchirée. Sèche et brune, elle pendait inerte, vide de tout occupant. La scène évoquait un accouchement monstrueux, comme si quelque chose s'était extrait de cette enveloppe pour hanter les profondeurs du labyrinthe. Le silence pesant était seulement troublé par le léger grésillement de la lampe torche et les battements affolés de leurs cœurs.



Elles comprirent avec effroi que le sorcier serpent qui les avait pourchassés avait émergé de cette cosse déchirée. Sa mission était claire : répandre le culte de Yig et réveiller un monde ancien, perdu dans les méandres du temps. Tandis qu’elles prenaient conscience de cette sombre réalité, Nadia puis Frère O'Malley et Charlotte les rejoignirent dans la salle. L'archéologue, épuisée et blessée, s'effondra, le sang coulant de plusieurs vilaines plaies. Voyant son état critique, Frère O'Malley se positionna à l'entrée de la salle, déterminé à la protéger.

***
Dans le couloir d'où ils venaient, la sinistre silhouette du sorcier homme-serpent apparut, flanquée des deux ghasts, dont l'un arborait un visage brûlé et défiguré par l'huile enflammée. La menace était palpable, et Olivia, en proie à la panique, proposa à Frère O'Malley de menacer le sorcier de détruire les cosses si lui et ses sbires osaient approcher davantage. À leur grande surprise, la menace porta ses fruits. Les abominations s'arrêtèrent, hésitantes.

Soudain, Nadia sentit l'esprit du sorcier pénétrer une nouvelle fois le sien, projetant des pensées malsaines et ténébreuses. Il promettait de les laisser partir s'ils abandonnaient les cosses et les enfants de Yig à leur destin. Horrifiée, mais tentant de garder son sang-froid, Nadia relaya le message au groupe. Personne ne crut aux paroles du sorcier, mais tous comprenaient qu'ils devaient gagner du temps, espérant trouver une échappatoire.

Ils évaluèrent leur situation : Charlotte et Nadia étaient sévèrement blessées, l’archéologue avait perdu son arme, et la journaliste était désarmée. Seul Frère O'Malley avait encore un chargeur plein, mais leur situation était désespérée. Tina, quant à elle, était plongée dans une folie incontrôlable. Alors qu’ils cherchaient une issue, elle découvrit un passage étroit d’où s’échappait un mince filet d’eau. Complètement affolée, elle s’y glissa en hurlant à Olivia de la suivre.




Frère O'Malley  tenta de dissuader la journaliste, l’avertissant que seul un miracle pourrait les sauver si elle empruntait ce passage, mais Olivia, désespérée, refusa d’écouter la voix de la raison et disparut à son tour dans l’étroit conduit. Frère O'Malley  regarda, impuissant, la lumière de la lampe torche s'éteindre avec la disparition d'Olivia. Résigné, il improvisa une torche avec un morceau de sa chemise et adressa une prière pour les jeunes femmes. Puis, il se pencha ensuite sur Charlotte, épongeant ses blessures et la réconfortant comme il le pouvait.

Lorsque l’archéologue reprit quelques forces, Frère O'Malley  lui expliqua la situation. Désormais, il n’y avait plus d’espoir. La chance de tenir tête aux monstres s'était évanouie avec la dispersion de leur groupe. La lueur de l'espoir s'était éteinte, et, avec elle, les chances de trouver une issue à ce cauchemar vivant. Ce fut à cet instant, que le religieux se rendit compte que Nadia avec elle aussi disparu. Elle s'était probablement glissée dans le boyau dans l'espoir de rejoindre la journaliste et la jeune héritière. Sans lumière, sans savoir pratique, le Frère la jugea perdue.

***


Provenant du couloir, des grognements gutturaux se firent entendre, résonnant sinistrement dans les ténèbres environnantes. Le sorcier avait rassemblé ses serviteurs, ces dégénérés monstrueux, et il ne tarderait pas à lancer l'assaut final. Frère O'Malley sentit le poids écrasant du désespoir sur ses épaules. Il prit les mains tremblantes de Charlotte dans les siennes, cherchant à puiser une dernière once de réconfort dans la prière.

Ils murmurèrent ensemble une prière pour leur salut, leurs voix tremblantes résonnant dans l'obscurité comme un dernier appel à la miséricorde divine. Mais dans leurs cœurs, ils savaient que le temps était compté et que le miracle qu’ils espéraient pourrait ne jamais se réaliser.

La mort dans l'âme, Frère O'Malley et Charlotte se résignèrent à suivre le même chemin qu'Olivia et Tina. Avec une lenteur désespérée, ils s’engagèrent dans le boyau étroit et humide, espérant contre toute attente qu'il puisse les mener quelque part, loin de l’horreur qui les poursuivait. Le bruit des grognements se faisait de plus en plus lointain, mais l’ombre de la mort planait toujours au-dessus d'eux, oppressante et inévitable.

Et le miracle eut lieu. Après des heures interminables de reptation dans une obscurité presque totale, Frère O'Malley et Charlotte émergèrent enfin dans un conduit d'égout, qui débouchait à l'air libre sur la côte battue par les vents de Providence. L'air salin et frais les enveloppa, un contraste saisissant avec les ténèbres suffocantes qu'ils laissaient derrière eux. Ils hurlèrent de joie, leur euphorie momentanée éclipsant l'épuisement et le traumatisme. Mais la réalité les rattrapa rapidement.

Après quelques instants d'euphorie, leurs pensées se tournèrent vers leurs amies, Tina et Olivia. Leurs cris d'allégresse se muèrent en appels inquiets, mais le silence qui suivit fut lourd de désespoir. Nulle trace des deux femmes. Le destin avait été bien plus cruel pour elles.

***

Olivia, dans sa panique, avait confié son sort à Tina, dont l'esprit était irrémédiablement brisé par les horreurs qu'elle avait endurées. Leurs quelques heures d'espoir se terminèrent abruptement lorsque la lampe torche s'éteignit pour de bon, les plongeant dans un noir absolu. Séparées dans l'immensité du labyrinthe souterrain sous Providence, elles étaient perdues.

Tina, déconnectée de la réalité, trébucha dans l'obscurité et bascula dans un gouffre sans fond, sa chute étant brève mais fatale. Olivia, quant à elle, continua d'errer dans les ténèbres, ses pensées brouillées par la peur et le désespoir. Elle fut soudainement emportée par un puissant courant souterrain qui l'entraîna vers les profondeurs glaciales. Luttant pour sa survie, elle sentit ses forces l'abandonner.

Alors qu'elle se débattait pour rejoindre la surface, ses poumons brûlant d'un besoin d'air, des mains surgies des ténèbres la saisirent et la tirèrent hors de l'eau. La lumière, aussi faible soit-elle, agressa ses yeux habitués à l'obscurité. Son soulagement fut de courte durée, car en levant les yeux pour remercier ses sauveurs, elle fut confrontée à une face simiesque, grotesque et inhumaine. Un cri d'horreur échappa de ses lèvres, se perdant dans les entrailles de la terre.

***
Parmi les ténèbres souterraines, Nadia, l'autrice, avait suivi le même chemin désespéré que Tina et Olivia. Bien que son esprit ait été déjà profondément ébranlé par les visions terrifiantes implantées par le sorcier homme-serpent, un instinct de survie viscéral l'avait poussée à continuer, rampant à travers le boyau étroit malgré la terreur qui lui dévorait l'âme.

Contre toute attente, elle réussit à émerger, seule, sur une plage désolée, à quelques kilomètres de Providence. Ses vêtements en lambeaux, trempée et boueuse, Nadia erra le long du rivage, murmurant des phrases incohérentes sur Yig, les enfants du serpent, et les horreurs qu'elle avait vues. Quelques jours plus tard, elle fut découverte par les garde-côtes, déshydratée, affamée, mais vivante. Cependant, toute raison semblait l'avoir abandonnée.

Sans papiers, sans moyen d'être identifiée, elle fut considérée comme une inconnue et rapidement transférée dans un asile de Providence. Les médecins qui tentèrent de la soigner se heurtèrent à un mur d'obsessions délirantes, des récits d'un monde ancien et terrible qu'elle était la seule à pouvoir entrevoir. Nadia, désormais enfermée dans sa folie, revivait sans cesse les visions du culte de Yig, sa conscience irrémédiablement brisée par les pouvoirs du sorcier homme-serpent.

Dans la solitude de sa cellule, elle murmurait des incantations incompréhensibles, les yeux perdus dans un vide où se jouaient des scènes cauchemardesques. Ses geôliers, bien que compatissants, ne pouvaient qu'assister impuissants à la lente descente de Nadia dans un abîme de démence, une victime de plus des forces sombres tapies sous Providence.

***

Conclusion

Providence, une ville maudite.
Frère O'Malley se tenait sur la côte rocheuse de Providence, le regard fixé sur l'horizon brumeux. La mer s'étendait à perte de vue, mais son esprit était ailleurs, tourmenté par les récents événements. À ses côtés, Charlotte, pâle et affaiblie, s'accrochait à lui comme à une bouée de sauvetage dans cet océan de terreur qu'ils avaient traversé. Malgré ses blessures et son esprit vacillant, elle était encore en vie, et c'était un petit miracle en soi.

De retour à Boston, le frère O'Malley fit immédiatement appel à Monseigneur Richard Stanton, son supérieur au sein de l'ordre. Dans le bureau obscur et sévère de Stanton, ils discutèrent à voix basse des horreurs découvertes sous Providence. Stanton, un homme aux traits marqués par des années de combats spirituels, écouta avec une attention silencieuse les détails sordides du culte de Yig et les abominations rencontrées. Après un long silence, Stanton acquiesça, le regard sombre.

« Le mal est ancien, Luke, et profondément enraciné. Mais il ne doit pas prospérer. Nous ferons ce qui est nécessaire pour protéger les âmes innocentes de cette menace. »

L'ordre se mit en mouvement. Charlotte fut confiée aux soins du Dr Evelyn White, une psychologue expérimentée qui avait déjà travaillé sur des cas de traumatismes surnaturels. Frère O'Malley s'assura qu'elle était en sécurité, sachant que si quelqu'un pouvait aider Charlotte à retrouver un semblant de paix, c'était le Dr White.

Cependant, l'esprit du frère était toujours hanté par un autre visage, celui de Nadia. Quelques jours après son retour à Boston, il apprit que Nadia, l'écrivaine tourmentée, avait été retrouvée par des gardes-côtes sur une plage, délirante et totalement méconnaissable. Sans papiers et incapable de s'exprimer clairement, elle avait été internée dans un asile à Providence, où elle vivait désormais en proie à des visions de serpents et de rituels monstrueux, son esprit ravagé par les horreurs qu'elle avait vécues.

La nouvelle assombrit encore le cœur de Frère O'Toole. Il fit tout ce qu'il put pour lui venir en aide, mais il savait qu'il était peut-être déjà trop tard pour la sauver de ses démons intérieurs. Il organisa discrètement son transfert sous la surveillance de l'ordre, espérant qu'un jour, avec les bons soins, elle pourrait retrouver un semblant de raison.

Pendant ce temps, l'ordre s'assura d'étouffer l'affaire, utilisant ses relations au sein de la police pour réécrire la vérité. Les morts furent attribués à des accidents tragiques, des rapports furent falsifiés, et les témoignages des survivants qui avaient perdu la raison furent discrédités. Le nom de Yig, les cosses suspendues, et les créatures serpentines, tout cela fut enterré dans les archives secrètes de l'ordre, destinées à ne jamais voir la lumière du jour.

Après avoir fait le nécessaire pour effacer les traces du cauchemar sous Providence, Frère O'Malley retourna à sa mission, prêt à affronter la prochaine menace qui se dresserait contre la lumière divine.

Une prière silencieuse sur les lèvres, il quitta le bureau de Stanton, le cœur lourd mais résolu. Car dans ce monde, où l'ombre et la lumière se livraient une guerre éternelle, le devoir de Frère Luke O'Malley était clair : rester en alerte, veiller sur les âmes perdues, et préparer l'Église aux combats à venir. Le sorcier homme-serpent n'avait pas été détruit, mais O'Malley savait que la guerre était loin d'être terminée. Et tant qu'il aurait foi en sa mission, il continuerait à combattre les ténèbres, un exorcisme à la fois.

***

Epilogue

Les ténèbres du souterrain étaient son domaine, un royaume où le temps semblait suspendu, et où les rares intrus qui osaient s'aventurer ne faisaient que nourrir ses ambitions. Le sorcier homme-serpent, ultime émissaire du grand Yig, se tenait immobile dans la pénombre, ses yeux reptiliens scrutant l'obscurité, cherchant des traces des intrus qui avaient osé défier son sanctuaire.

Leurs âmes faibles avaient été faciles à lire, leurs peurs, un nectar dont il s'était délecté. Il avait laissé certains s'échapper, car la peur qu'ils portaient en eux serait le germe de la terreur future, un outil précieux pour l'œuvre qu'il entendait achever. Yig, son maître, l’avait choisi pour raviver le culte ancien, et il ne faillirait pas.

Les récentes perturbations avaient été un test, une épreuve pour lui et pour ceux qui prétendaient dominer ces terres. Les morts, les fous, ceux qui avaient échappé à la folie pour vivre dans la peur — tous avaient joué leur rôle dans son dessein. La femme qui était enfermée à Providence, son esprit ravagé, deviendrait une prophétesse, même si elle ne le savait pas encore. Son délire, son murmure, porterait la parole de Yig parmi les hommes. L’ordre ancien se réveillerait.

Le sorcier jeta un regard vers les cosses suspendues au plafond, les derniers enfants de Yig en sommeil, protégés et prêts à émerger quand le monde serait de nouveau prêt à les accueillir. Mais il savait que le temps n’était pas encore venu. Il fallait d'abord affaiblir le cœur des humains, les préparer à l’ascension du culte.


Il leva une main griffue, invoquant les énergies primordiales qui circulaient dans les veines de la terre. Le gong résonna une nouvelle fois dans les profondeurs, une vibration sourde qui fit trembler les tunnels et résonna jusque dans les égouts de Providence. Un appel aux anciens, à ses semblables, à se rassembler et à attendre leur heure.

Le sorcier se retira dans les ombres, satisfait. Les graines du retour de Yig étaient semées. Peu importait le temps que cela prendrait, peu importait les sacrifices. L'éveil du culte était inévitable. Le destin des humains était scellé, et il en serait l'instrument.

Alors qu’il s’enfonçait plus profondément dans le labyrinthe souterrain, son esprit se projeta une dernière fois vers la surface, où les étoiles scintillaient au-dessus de Providence. Il ne restait plus qu’à attendre que la nuit descende complètement sur l’humanité, une nuit éternelle où Yig régnerait à nouveau.

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