Septembre Rouge
16 Septembre 1920 - quartier de Wall Street
Soudain, alors que j'apercevais enfin mes deux amis, un homme s'écroula au milieu de la foule qui s'écarta comme le courant d'une rivière autour d'un rocher. Nous portâmes rapidement assistance au blessé. Alors que je m'accroupis au côté de l'homme, je remarquais immédiatement une blessure profonde au niveau du bas ventre, j'en avais assez vu pendant la guerre pour savoir qu'il s'agissait d'une blessure par arme blanche. Derrière moi, j'entendis une voix à l'intonation italienne marquée: " Regardez de la fumée sort de ce véhicule…" Un murmure parcourut la foule. Visiblement une énorme déflagration se produisit là où montait la colonne de fumée. Je n'avais pas le temps de comprendre ce qui se passait qu’un souffle colossal me projetait en arrière. Des morceaux de métal percutèrent les corps et déchiquetèrent les chairs. Etais-je de retour sur le champ de bataille de la Somme ?
16 Septembre 1920 - Hôpital Saint James
Je me réveillais sur un lit d’hôpital. Le souvenir de l’explosion me revint et me laissa pantelant, me renvoyant vers mes sombres démons. Après un moment, je retrouvais mes esprits et regardais autour de moi pour découvrir de nombreux autres lits occupés par des blessés. Mes deux amis étaient installés dans les lits voisins et reprenaient conscience peu à peu. Les autres patients se prénommaient Ilia Droudji une journaliste, Johan Kerenski un thérapeute d'origine russe, un jeune cireur de chaussures, le vieil homme blessé par arme blanche ainsi qu'un italien répondant au nom de Francesco (Jeff). C'est ce dernier qui avait remarqué la fumée sortant du véhicule. Il devait être réveillé depuis plus longtemps que moi-même car il était déjà debout à côté du vieil homme. A ma surprise, il fouillait les affaires personnels de l'indien. Il avait mis la main sur des clés, sans doute celles d’une habitation (plutôt luxueuse vu le modèle) ainsi que 2 photos.
Par quelle étrange alchimie, nous sommes nous mis à enquêter comme des agents fédéraux ? Je n'en ai pas la moindre idée, mais quoiqu'il en soit quelques minutes plus tard avec notre nouvel ami italien Francesco nous élaborions des théories quant à l'attentat et à l'étrange attaque contre le vieil homme.
La nuit ne fut pas aussi reposante que je pouvais l'espérer. Un abominable cauchemar me fit revivre l'attentat. Je vis l’explosion se déployer dans un panache de lumière verdâtre, comme un nuage de gaz se répandant au ralenti. Le nuage nauséabond rattrapait ses victimes une par une. Mais pour moi, je n'étais plus à Wall Street mais de retour dans les tranchées à Ypres. Soudain, le vieil Indien se dressait face à moi me saisissant par la main. Plongeant son regard dans le mien, il hurlait "Vous devez les arrêter !”
Je me réveillais en sueur, sur le lit d’hôpital pour constater que mes amis, comme moi, sont assis dans le lit le souffle court, le regard halluciné. Le même cauchemar !!
Otto Dix, Stormtroopers Advance Under Cover of Gas, 1924 |
Nous nous portâmes tout naturellement auprès du vieil indien. Mais ce dernier était mort. Détail dérangeant: il a les yeux grands ouvert. Francesco remarqua alors un filet de bave verdâtre coulant à la commissure de ses lèvres. Un frisson courut le long de ma nuque. Je ne connaissais que trop bien l'odeur qui se dégageait : de l'yperite, le gaz moutarde mis au point par les scientifiques fous du Kaiser ! La réalité tournait à l'horreur pour moi et ma raison vacilla. Je trouverai les salauds qui ont fait ça et je leur ferai payer le prix fort.
Un peu plus tard nous remarquâmes tous quelque chose de particulièrement surprenant: nous ne souffrions plus de blessures, de brûlures ou de traumatismes. De fait, en fin de matinée, vu notre état, nous fûmes autorisés à partir. Les médecins semblaient perplexe face à un rétablissement rapide et la mort de l’Indien. A la sortie, les policiers nous demandèrent d’inscrire nos noms et adresses sur un registre avant de sortir.
17 septembre - quartier du Queens
Je passais la journée à boire et à lire les journaux. L'attentat était à la une de tous les quotidiens. Selon les journalistes, la police aurait reçu un avertissement la veille. Était-ce le vieil homme ?
Notre bande d'investigateurs improvisée avait arrêté de rendre visite à Edwin P.Fisher le lendemain. Maryse pensait qu'il ne serait pas compliqué de trouver son adresse. Une visite au club de tennis local fréquenté par Jhon suffit. On l' informa que monsieur Fisher ne vivait pas à New- York, mais qu’il y possédait un petit pied à terre, dont on leur indique volontiers l’adresse.
18 septembre - Demeure de Edwin P.Fisher
En fin de matinée, nous nous garions debvant la maison où avait été prise la photo d’Edwin Fisher. Une bâtisse de deux étages, assez étroite, dotée d’une magnifique porte décorée de ferronneries. Personne ne répondit à nos coups répétés à la porte. Renseignements pris auprès des voisins, il semble que Monsieur Fisher ne soit là depuis plusieurs jours.
De fait, Francesco utilisa les clefs en notre possession et nous pénétrons dans une demeure simple mais confortable. Nous la fouillâmes de fond en comble.
Dans le salon, nous découvrîmes un cadre contenant une photo d’Edwin au milieu d’une tribu amérindienne en tenue traditionnelle. Francesco reconnut rapidement une tribu canadienne algonquins. L'italien mit aussi la main sur de nombreux livres d’ésotérisme, de religion ou sur le thème des cultes antiques. Des ouvrages rares traitent de la magie des Indiens.
Maryse Bouchet |
John et moi-même nous occupâmes de l'étage. Dans l'une des chambre, John mis la main sur une bourse contenant des osselets de divination, des plumes et autres gris-gris de magie indienne, du moins c'est ce que nous apprit Francesco. Il y avait aussi un livre étrange dont la lecture perturba fortement Maryse quelques instants plus tard.
En effet, comme il était rédigé en français, nous lui remîmes. La pauvre fille nous informa qu'il traitait de cultes sanglants et d’invocations de créatures monstrueuses. Un télégramme servait de marque-page et elle put y lire “Le conseil des anciens a imploré Gitche Manitou. Le 16 n’est qu’un essai. Quelque chose de plus terrible se prépare”. Francesco précisa que pour les Indiens, Gitche Manitou est le Grand Esprit, une sorte de dieu, créateur de tout et donneur de vie.
Quant à moi, je découvris un laboratoire de photos. La plupart avait été prise au port de plaisance dont celle où figure le quidam sur la photo floue. La photo complète montrait deux autres personnes en train de décharger une caisse d’un voilier baptisé “Santa Lucia”. Je mettais aussi la main sur un appareil contenant un pellicule non développée.
18 septembre - le port de plaisance
En l'état, la Canada et ces indiens étaient trop éloigné et le seul indice qui était immédiatement exploitable nous conduisit tout droit au port de plaisance qui n'était guère plus qu’une longue jetée d'où partaient. De part et d’autre, de nombreux pontons de bois donnant accès à une multitude de voiliers
Nous repérâmes rapidement la "Santa Lucia" et tandis que Francesco et Maryse faisait le guet, John et moi prirent pieds sur le pont. Les choses s'accélèrent brusquement. Dans la cabine principale, un italien grièvement blessé divagué en pointant un pistolet dans notre direction. Prétextant que nous étions venus terminer le boulot et que nous ne le sacrifierions pas, il ouvrit le feu me blessant au passage.
Nous parvînmes à le désarmer mais il était trop grièvement touché pour espérer survivre. Dans un dernier souffle, il lâcha d'inquiétantes paroles:
"Je l’ai senti, comme une langue froide qui lèche votre crâne ! Une… une sangsue qui aspire votre dernier souffle. Mais il n’en a pas encore assez. Il en veut plus, toujours plus de terreur, plus de morts ! Le hangar, trouvez le hangar ! Avant qu’ils ne cachent la mort, vite, maintenant ! Le hangar… »
Maryse et Francesco arrivèrent à l'instant où l'homme mourrait et, durant un instant, nos deux compagnons nous soupçonnèrent d'avoir commis un meurtre. Une fois la situation éclaircie, c'est sans remord qu'ils fouillèrent le bateau à la recherche d'informations. Maryse mis la main sur des tracts signés par un groupuscule inconnu "les Combattants anarchistes américains”.
La fouille finie, nous quittâmes le bord sans prévenir les autorités de la présence d'un cadavre et du fait que nous avions identifiés les responsables de l'attentat.
19 septembre - les quais
Après une nuit de repos, nous nous étions fixés rendez-vous "Chez Luigi" le restaurant fétiche de Francesco. Le quartier Italien perturbait mon sens anglais, les gens y parlent fort et avec les mains. De plus, ces italiens donnaient tous l'impression d'être de la même famille.
Ceux sont les photos que je fis développer qui nous donnèrent la marche à suivre (Cf. la pellicule découvert chez Fisher). En effet, sur l'une des photos, on pouvait voir un hangar sur lequel était peint en grande lettre rouge le chiffre 12. Des hommes, dont celui du navire y apparaissaient aussi, déchargeant des caisses.
N'écoutant que notre fol courage et non la raison qui aurait du nous pousser à contacter les autorités , nous nous rendîmes sur place.
Arrivés sur place, nous fumes pris à partir par un autre criminel qui s'enfuit finalement dans un sombre dédale d'égouts sous le hangar. Après une course folle, durant laquelle je distançais mes compagnons, je rattrapais le fuyard. L'homme me tira dessus mais se faisant la caisse qu’il retenait avec peine tomba. Plusieurs des bocaux à l’intérieur se fracassèrent au sol. Un épais nuage de fumée brunâtre envahit instantanément la pièce dans une odeur de moutarde. Vétéran de la guerre, je compris immédiatement le danger et fuyait aussi loin que possible en criant à mes compagnons de faire de même. Derrière moi les cris de l'homme hurle de douleur s'estompèrent. …
Conclusion
Voilà inspecteur, vous savez tout de l'affaire. Je pense que ce jour là nous avons mis en échec un second attentat et que les membres des Combattants anarchistes d'Amérique ne sont pas prêts de recommencer. Je sais que nous aurions dû vous informer dès que possible, mais auriez crû à notre histoire de vieil indien qui nous visite la nuit pour nous donner pour mission de combattre le crime ? De plus, il y a de nombreux éléments que je ne m'explique pas. A quoi faisait référence l'italien quant il parlait d'une sangsue lui vidant le cerveau ? Et où est passé monsieur Fisher et enfin qu'est ce que viennent faire les indiens algonquins dans cette histoire...
Pardon ? Oui je reprendrais bien un café, merci.
Excellent. On sent des prémices de quelque chose qui donne envie de découvrir la suite :)
RépondreSupprimerExactement. Cette fois, c'est mon ami Simon qui est aux commandes. Voilà une décennie que je n'ai pas été joueur et cela fait plaisir. Merci encore de lire mon blog. :-)
SupprimerEt la suite, c'est pour aujourd'hui , super! Impatient de continuer l'immersion
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