vendredi 9 juin 2023

Dark Heresy

Le tranchant des ténèbres - Chapitre 2

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Alors qu'une aube artificielle et blafarde se levait sur le district, les acolytes avalèrent un rapide et insipide petit-déjeuner. Des évènements de la nuit, il ne restait qu'une trace de fluide nécrotique sur le sol et les rares locataires croisés en sortant de l'immeuble détournèrent opportunément le regard à l'approche des agents - Circuler il n'y a rien à voir. Par acquis de conscience Labienus et Norton se rendirent sur le lieu ou le corps sans vie avait été déposé la veille. Ils eurent confirmation de ce qu'ils soupçonnaient: il avait disparu, probablement récupéré par les commanditaires de l'attaque. En effet la coïncidence était trop grande, l'assaut avait dû être commandité et en tirant le fil de leurs réflexions les acolytes en étaient venus à soupçonner l'implication de l'arbites. Les membres du magistratum étaient les seules personnes mises au courant de leur présence et de leur destination. Cette révélation jeta un voile inquiétant sur toute cette affaire.

Après un point rapide sur les pistes mises en lumière lors de l'entretien avec Lili Arbest, les compagnons convinrent de la conduite suivante: Ismhaël et Norton retourneraient sur le marché afin de reprendre contact avec le camelot à la langue bien pendue de la veille tandis que Frère Pocus et Labienus se rendrait à l'église de l'Empereur-Dieu afin d'y retrouver Zed, l'ami du défunt Saul.

***

Ismhaël retrouva sans aucune difficulté l'anonyme vendeur rencontré la veille. Après une rapide discussion et quelques trônes glissés de main à main, l'homme orienta les deux comparses vers un certain Sikes, un original issu de la sous-ruche qui tenait une "boutique" éphémère dans un vieux techno-hab incendié situé non loin du marché.

Trouver Sikes fut aisé et le personnage se révéla bien être un récupérateur étranger au district qui bossait avec deux « apprentis » et un chien pouilleux grossièrement augmenté. Il avait monté un petit commerce de détritus, de chiffons, de tech­nologie récupérée et autres biens sans grande valeur. Ismhaël reconnut en lui un ruchard à son image qui avait vécu longtemps en apprenant à garder ses yeux et ses oreilles en alerte. Norton et lui jetèrent un coup d'œil à ses marquandises et acquirent sa " star, ayant appartenu à un homme peu soigneux aujourd’hui décédé" , un vieux pistolet-mitrailleur avec une nouvelle crosse pour une somme rondelette. Comme Ismhaël le pensait, cela détendit l'atmosphère et permit de converser de sujets plus sérieux. Sikes avait une petite idée de ce qui se tramait même s’il n’en maîtrisait pas encore tous les paramètres. Interrogé sur les disparitions et les mutants qui avaient attaqués les acolytes, le trafiquant se révéla une source d'informations préciseuses:

- Oh, je les ai vus moi aussi et ce ne sont pas des fantômes. Ces « yeux rouges » ils sont aussi solides que ce fusil à dispersion. Arpentant la nuit, kidnappant d’honnêtes prols. Il y a quelque chose d’étrange quand vous y pensez. Le nombre de rebuts ne diminue pas, pas plus que les gens de ma sorte, comme si nous n’étions pas assez bons pour eux.

- Et les forces du magistratum ? Elles ne font rien ? s'enquit Norton

- Les forces de l’ordre ? Laissez-moi rire ! Vous les avez bien observées ? Sans parler de leur désintérêt total pour les petits pots-de-vin… Si ce sont des hommes à la solde du Magistratum, alors moi je suis miss petite culotte à fleurs, reine de Malfi la sanguinolente.

-  Et vous sous-entendez que les spectres font un tri dans leurs cibles ?

- Il ne faut pas être un génie pour deviner qu’il se passe des choses étranges ici. Des honnêtes citoyens qui disparaissent alors que les rebus non, des forces de l’ordre inertes et un chef de narcotruands qui se terre dans un bar, la peur au ventre.

Norton et Ismhaël opinèrent du chef, satisfaits de la richesse de cet échange. De nombreuses portes venaient de s'ouvrir devant eux et allaient permettre à leur enquête de prendre un nouveau tour. 

- Il n'est de bonne compagnie qui ne se quittent mes amis lâcha abruptement Sikes. Les affaires ont été bonnes, mais mon instinct me dit d'aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs.

Sur ce, il congédia les deux acolytes et sollicita ses aides afin d'emballer le produit de leur récupération dans Coscarla.

Sikes le trafiquant est un fin renard.


***

Pendant ce temps, dans un autre secteur, Labienus et Pocus progressaient dans les quartiers en direction du nord et après une demi-heure de marche ils débouchèrent sur une petite place où se dressait l'église de l'Empereur Dieu. Elle était à l'image du reste du secteur: décrépie. Cette petite chapelle dédiée au Credo impérial était le domaine d’un prêcheur alcoolique du nom de Fayban. Il accueillit les deux acolytes sur le seuil de son temple avec des mots de réconfort et un appel au don. Chacune de ses paroles était accompagnée de relent de mauvais alcool. Malgré son état d'hébétude, Fayban répondit aux quelques questions posées du mieux qu'il pouvait.  Mais c'était clairement un homme faible, ce qui attisa la colère de Pocus. Fayban était indigne de porter le sacerdoce impérial et semblait porter un fardeau qui le rongeait lentement. Quoiqu'il en fut, il leur indiqua un homme en célébration sur un prie-Dieu. 

Labienus et Pocus sont accueillis par le prêtre Fayban.

À l’intérieur du bâtiment des icônes et statues étaient illuminées de centaines de chandelles, toutes allumées par les égarés et les désespérés, chacune destinée à un ami ou membre de la famille disparu dans la nuit. C'était sans aucun doute le témoignage visuel le plus efficace de ce qui se passait actuellement dans Coscarla. 
Lorsqu'il eut conscience de l'attention qu'on lui portait, Zed tenta de s'enfuir, bousculant des fidèles et renversant prie-Dieu et candélabres. Cependant nul échappatoire pour l'hab-ouvrier qui finit empoigné par Labienus. Après avoir rassuré Zed sur leurs intention et l'a voir convaincu qu'ils étaient envoyés par Lili, Pocus invita le poivrot à se livrer ce qu'il fit sans se faire prier: 

- J’étais avec lui la nuit… la nuit où il s’est volatilisé. Nous buvions à l’Union, pas beaucoup, juste assez pour faire passer le temps… quoi qu’il en soit, ce malfrat, je ne le connaissais pas et je ne l’avais jamais vu auparavant… bref, ce malfrat s’est accroché avec Saul. Il était très bruyant vous savez, il déblatérait tout et n’importe quoi. Cette racaille est arrivée et l’a blessé, pas gravement, mais suffisamment pour lui montrer qui est le patron… juste une entaille à la poitrine, nous avons tous vécu pire dans les manufactoria. Nous n’étions plus les bienvenus à l’Union, pas cette nuit en tout cas, alors nous sommes partis. Nous devions rentrer directement mais Saul se plaignait de sa blessure, il voulait aller à l’hospice, voir si l’un de ces messieurs charitables pouvait le recoudre ou lui donner quelque chose contre la douleur. Les lumières étaient allumées dans l’hospice. On pouvait le voir de là où nous étions, brillant dans les ténèbres. Personnellement, je suis retourné chez moi, car cet endroit me file la trouille. Bien sûr, c’était avant que les disparitions ne commencent réellement. Saul était l’un des premiers

Après un échange qui n'apporta aucune information supplémentaire mais forts des informations nouvelles déjà obtenues, Labienus et Pocus prirent congé de Zed le laissant à son réconfort religieux. 

Le rendez-vous avec leurs compagnons avait été fixé sur la place, non loin de l'immense statut qui la dominait. Ainsi les deux compères retrouvèrent Ismhaël et Norton à l'endroit convenu. Le squat attira l'attention des nouveaux venus sur un fait bien particuliers: le secteur avait été bouclé ! Ismhäel et lui-même avaient constaté la présence des arbites en arme devant le Transpole, ce qui ne faisait que confirmer leurs soupçons quant à l'implication des forces de l'ordre dans les évènements. 

Le mugissement d'une trompe industrielle interrompit le cours des réflexions des enquêteurs de l'inquisition. Autour d'eux de nombreux anonymes se mirent en marche vers un secteur encore non exploré par Labienus et ses compagnons. 

 - L'appel de la soupe dont nous a parlé Sikes, supputa Ismhaël.

 - Alors suivons les et mêlons nous à la foule pour accéder au lieu proposa Labienus

Ainsi fut fait.

***

Comme le reste de Coscarla, l'hospice se révéla être délabré et la plupart de ses services semblaient fermés et son personnel réduit à un unique directeur – un adepte du nom de Moran – qui n’avait que deux subalternes et quelques serviteurs pour l’aider. 

En se mêlant à la foule des anonymes,  Labienus confirma qu'une fois par jour, au milieu du cycle diurne, le réfectoire servait bien un bol de gruau proti­dique accompagné d’un morceau de pain (dans la limite de ses stocks) à tous ceux qui pouvaient présenter une pièce d’identité valide ou payer un demi trône pour le repas. 

Cependant, Labienus fut rapidement repéré en raison de son apparence qui détonnait parmi les hab-ouvriers et un homme de belle prestance, qui se tenait à l'entrée, l'interpella. Directeur de l’hospice de Tantalus, Moran se présenta lui-même comme un adepte distant mais effi­cace, administrant une quantité décroissante d’aumônes et d’aides destinées aux ouvriers, le tout avec un budget en conti­nuelle diminution. Il répondit courtoisement aux interrogations d'un Labienus qui s'était présenté comme un copiste ayant été dépouillé de sa bourse de trônes à la sortie du transpole. Moran compatit et l'invita à prendre un bol de gruau dans la salle commune, puis il retourna s'occuper de ses ouailles. Labienus pénétra donc l'hospice. À l’intérieur, le sol du grand vestibule était couvert d’une mosaïque représentant l’emblème du consortium Tantalus, en partie recouverte par une épaisse couche de crasse. Une large arche sur la gauche s'ouvrait sur le réfectoire et une autre, située en opposition, donnait sur l’amphithéâtre à l'abandon comme le découvrit Pocus qui s'étit lui-aussi glissé dans le bâtiment. Directement en face de l’entrée, un grand escalier en fer à cheval mènait au premier étage, un bureau de réception marbré était placé à ses pieds, supporté par deux grandes statues austères représentant des adeptes en robes levant vers le ciel des torches enflammées. Jour et nuit, la pâle lumière émanant les lumiglobes montés sur les torches était la seule source de luminosité du lieu, projetant de longues ombres sur le sol crasseux. Laissant le vestibule derrière lui, Labienus entra dans le réfectoire. Cette grande salle carrée accueillait à cette heure une centaine de personnes, assises à de longues tables sur des chaises et bancs dépareillés. Les murs étaient couverts de scènes et de citations visant à inspirer les « convives ». La nourriture était servie via des passe-plats métalliques donnant sur les cuisines. Le seul élément de décoration de "luxe" était un grand miroir endommagé situé sur le mur attenant aux passe-plats,  Labienus se vit servir un un bol de gruau protidique accompagné d’un morceau de pain qu'il goutta du bout des lèvres après s'être attablé avec des prols silencieux. Un quart d'heure plus tard, Labienus était sorti et son vox raisonnait de l'appel d'Ismhaël

- Les arbites en ont après nous ! On se sépare et on se retrouve à l'immeuble B6. Il fait l'angle, 3éme rue en partant de l'hospice. Prochain contact dans 2 heures. 

- Bien reçu ! Personne ne retourne chez Saül. On récupéra le poing augmentique plus tard. Bonne chance à tous.  

 


Adeptus Arbites by George Earl Abalayan



Chapitre suivant : la chambre des horreurs

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