mardi 31 août 2021

Cthulhu - Chroniques Oubliées

 Rituels impies

Vers l'épisode précédant: le village

Village de Cragport, 5-9 octobre

Durant les jours suivants notre entretien avec Josh, nous  poursuivîmes nos investigations de manière discrète. Maryse retourna chez le vieil homme afin d'examiner l'avion. Son diagnostique se révéla encourageant. Elle était en capacité de le remettre en état. Il manquait des éléments mécaniques qu'elle pourrait probablement prélever sur les moteurs de certains des navires ancrés au port.

Durant ces quelques jours, l'aspect sinistre de la communauté se fit de plus en plus jour, faisant prendre corps à mes pires craintes. Les preuves des sinistres desseins des habitants furent les suivants:

  • La richesse de Cragport était due, selon les habitants, aux eaux exceptionnellement généreuses de lobsterbay :poissons et surtout homards. Pourtant, presque aucun bateau de pêche n'était sur l'eau et pour cause, la plupart n'étaient mêmes plus en état de prendre la mer.
  • Une visite de nuit de la conserverie confirma nos soupçons : la plupart du matériel était désuet et inapte à la fabrication de conserves de qualité, les bassins étaient presque vides et enfin, le hangar d'expédition était désert. Comment vendre des conserves qui n'existaient pas.
  • Dans le magasin du village, Maryse reconnut la robe portée par Lola Blue, la chanteuse du Princess Olympus, la veille du naufrage. En cherchant bien la française bien trouva d'autres objets provenant du naufrage.
  • Les prêches du Père Fishburn nous semblait subtilement altérées. De plus, nous relevâmes quelques anomalies inquiétantes dans l'édifice religieux. Ainsi le large bassin de baptême, qui permettait d'immerger complètement un adulte, était creusé dans le sol. Il était rempli d'eau de mer. Nous étions persuadé que l'autel constitué d'un unique bloc de pierre massif dissimulait un passage secret. En effet, deux grandes barres de bois de 4 mètres de long étaient posées derrière une colonne. Elles s'inséraient parfaitement dans les anneaux de l'autel et servaient probablement à le déplacer. Mais nous n'étions pas assez fort pour réussir cet exploit. Il devait donc exister un autre accès. Cette hypothèse nous conduisit à nous intéresser aux mines.

De l'exploitation, il ne restait qu'un vaste bâtiment désaffecté jouxtant un tunnel ténébreux qui s'enfonçait sous terre. L'accès à la mine était fermé par une grille en fer forgé et, en approchant, nous constatâmes qu'une dizaine de mètres plus loin la voûte s'était effondrée, obstruant complètement la galerie. Mon expérience militaire me permit de comprendre que l'effondrement n'était pas naturel mais avait été provoqué par une charge de dynamite. Une nouvelle impasse  ? Non, à cette occasion Francesco et John lièrent connaissance avec Wilbur, un ancien mineur et un ancien de Cragport. 

Le vieil homme se déplaçait en fauteuil roulant et paraissait complètement sénile. C'était de la comédie pour tromper les cultistes. Il était capable de marcher, bien qu'avec difficulté, et il n'était pas du tout gâteux. Il leur confirma ce que je soupçonnais depuis le départ: l'ensemble du village formait un culte dévoué à quelque dieu aquatique ancien et maléfique, dont le chef n'était autre que le Père Fishburn. Il expliqua que dans un premier temps, l'adoration du dieu apporta la richesse et la prospérité à Cragport. Mais ensuite les choses se gâtèrent et les habitants furent contraints de passer trois serments pour s'initier aux sombres secrets, acquérir toujours plus de richesse, etc. Lui-même ainsi que ses deux amis, Josh et Max, n'avaient jamais accepté de passer le dernier serment. Depuis ils vivaient en marge du reste du village. Le vieillard ne confirma pas l'hypothèse d'un temple dans l'ancienne mine. Brusquement, il demanda à Francesco et John de retrouver son chat. Wilbur leur indiqua qu'il avait disparu au pied de la falaise derrière sa maison. Il n'avait jamais eu de chat, il s'agissait d'un subterfuge discret pour nous permettre de trouver une entrée cachée de la mine.

De fait, une recherche attentive à cet endroit ne permit pas de trouver de félin, mais une faille aplatie qui plongeait sous terre au pied de la falaise. L'entrée secondaire de la mine.


L'ancienne mine - nuit du 10 octobre 

Après nous avoir rejoint, Francesco et John nous conduisirent vers un épais bosquet dissimulant le pied de la falaise derrière la maison du vieillard. ils y avaient découvert une ouverture basse qui s'enfonçait dans la roche. Il nous fallu avancer à quatre pattes pour entrer dans la cavité souterraine naturelle. Après une progression laborieuse, nous débouchâmes dans un réseau de grottes naturelles humides, glissantes et il en émanait une atroce odeur de poisson pourri.

L'horreur nous attendait au bout de cette exploration. En effet, nous débouchâmes sur un carrefour dont l'un des accès était bloqué par une porte et le second par une grille Tandis que nus poussions la porte, John resta dans le couloir afin d'examiner la grille. Cela commença par un terrible hurlement  qui se répercuta dans le complexe souterrain, aussitôt suivi d'une course lourde. Une forme massive se jeta sur la grille de métal avec une telle violence que John crut un instant que les barreaux aller céder. Pris de panique, il nous cria que c'était un monstre qui était emprisonné: un homme homard. Nous nous réfugiâmes dans la salle se trouvant derrière la porte. Il s'agissait d'un cabinet de travail, lieu bien incongru au sein de ce dédale. Un grand bureau en bois, recouvert de documents, était appuyé contre une des parois. Il était accompagné d'un imposant fauteuil dont la structure était sculptée de créatures marines dans des postures obscènes d'accouplements avec des êtres humains. Une grande bibliothèque, à moitié vide, masquait la paroi opposée tandis que la porte faisait face à une tenture bleu nuit .

Dans un tiroir du bureau, Francesco trouva  une épaisse et lourde chaîne en or soutenant un énorme médaillon en forme de pieuvre. Nous ne nous attardâmes pas en ce lieu, le temps nous étant compté. Derrière la tenture je découvris un nouveau passage débouchant dans une haute caverne qui comportait un autel de pierre antique, sculpté de tentacules. Les murs étaient couverts de gravures si anciennes qu'elles étaient très érodées et illisibles. Notre archéologue italien examina les reliefs sculptés. Il découvrit les scènes suivantes : Une île émergeait de l'eau, elle supportait une arche titanesque où brille une étoile. Plus loin, une immense créature tentaculaire franchissait l'arche. Si les fourmis qui semblent en adoration à ses pieds étaient des êtres humains, les dimensions de la divinité dépassaient l'entendement. De plus en plus mal à l'aise, nous quittâmes ce temple impie pour nous enfoncer plus avant par un nouveau boyau.

Nous débouchâmes dans une vaste cavité ténébreuse coupée sur toute sa longueur par un grand bassin d'eau de mer. Le clapotis de l'eau se répercutait au loin sur les parois. Notre lampe torche s'avéra    insuffisante pour éclairer l'intégralité de la caverne. En revanche, le faisceau révéla un horrible spectacle. Crucifiés contre les parois rocheuses, des dizaines de corps étaient plongés dans l'eau. Un immonde cordon ombilical rosâtre et translucide reliait chaque corps à une sorte d'œuf qui flottait paresseusement à la surface de l'eau. Et dans chaque d'œuf, par transparence, nous pouvions distinguer un fœtus d'apparence humaine.

Les habitants n'étaient pas de simples naufrageurs mais des adeptes du diable ! Nous dûmes lutter contre notre envie primaire de porter secours aux malheureux. Si nous le faisions, nous nous condamnions, nous ainsi que nos compagnons d'infortune. Rapidement, un plan prît corps dans nos esprits : les explosifs du vieux Josh. Nous devions faire profil bas le temps de convaincre le vieillard de nous aider, de réparer l'avions  et de piéger le complexe au bon moment afin de mettre un terme aux atrocités se déroulant dans cet antichambre de l'enfer.


Village de Cragport, 11-16 octobre

Pendant plusieurs jours, mes compagnons et moi-même fîmes profil bas afin d'endormir la méfiance de nos hôtes malveillants. Nous nous offrîmes même le luxe d'une seconde expédition dans les grottes. En effet, Francesco était persuadé d'avoir vu des documents dans la salle du bureau faisant mention d'une cérémonie et d'une date précise correspondant à un alignement stellaire. Son intuition se révéla payante: à partir des documents l'italien parvint à déterminer que les étoiles serait propices à l'organisation d'une grande cérémonie avec Ceux des profondeurs dans la nuit du 17 octobre et devait avoir lieu en pleine nuit. Dieu nous montrait la voie !

De son côté, Maryse très compétente en mécanique se rendit plusieurs fois sur la jetée, prétextant son amour des hors-bords Evinrude. Elle parvint à examiner les moteurs  et acquit la certitude de pouvoir récupérer ce qu'il fallait pour réparer le moteur de l'avion abandonné dans le hangar de Josh. Elle devrait voler le nécessaire durant la nuit du 17 octobre, tandis que Francesco regrouperait tous les naufragés présents dans le village.

Quant à John et moi-même, nous organisâmes le piégeage des mines. A force d'alcool et de paroles, nous convainquîmes Josh de nous confier une partie de son stock de dynamite. Puis je mis à profit mon expérience des explosifs acquise durant la guerre. Nous retournâmes dans la grotte cérémoniale et nous posâmes la dynamite au nez et à la barbe de nos geôliers monstrueux.

Toutes les pièces du puzzle étaient en place pour le dernier acte !


Nuit d'horreur, 17 octobre 

Le soir, les villageois allèrent se coucher comme à leur habitude, mais le village semblait étrangement calme. Dans les maisons, les lumières s'éteignirent rapidement. Comme prévu, un peu après minuit, les villageois sortirent un par un de chez eux et se dirigent dans le plus grand silence vers l'église où ils entrèrent. 

Dès cet instant, les choses s'enchaînèrent très rapidement Francesco réveilla les survivants du naufrage avec l'appui du second maître de bord qui s'était joint à nous quelques jours auparavant.  Tous se rejoignirent la maison du vieux Josh après avoir récupéré les pièces nécessaires à la réparation de l'avion. Arrivée sur place, Maryse se mit immédiatement à l'ouvrage afin de réparer le moteur qu'elle avait soigneusement examiné les jours précédents. Pendant ce temps, les autres dressèrent une barricade de fortune en cas d'attaque des cultistes.

Pendant ce temps, John et moi-même étions retournés dans les grottes. Nous avions placer de la dynamite en deux points stratégiques : la caverne de la cérémonie orgiaque et celle de la nurserie.


Alors que nous nous mettions en position pour déclencher l'explosion, nous entendîmes des hurlements. Une cacophonie contre-nature de râles confus, de cris de douleur produits par un cœur de gorges à la fois humaines et inhumaines. Comme si une assemblée de porcs, de chiens et de d'humains se livraient à une orgie blasphématoire. Enfin, au milieu de ce tintamarre infernal, nous  reconnûmes la voix de Fishburn, puissante, couvrante, qui psalmodiait une litanie impie.

Il n'y avait pas de mots. Quelle ignominie dans cette grotte ! Par chance, la pénombre cachait les  étails des corps enlacés et la physionomie infâme des créatures écailleuses issues des profondeurs qui copulaient avec des villageoises et des villageois. Nous aperçûmes Fishburn au milieu de ses ouailles. À l'exception d'un imposant collier d'or qui représentait une pieuvre, il était nu comme un ver et déclame une sombre mélopée les bras levés vers des étoiles invisibles. Les nerfs de John finirent par lâcher et il prit la fuite. Je ne l'en blâmais pas, ma propre raison vacillant. Cependant, je déclenchais les explosifs et rejoignais mon compagnon qui m'attendait un peu plus. Je lui dus la vie car je tombais dans un trou dont je n'eux pu m'extirper sans son aide.



Une fois de retour dans le village, nous n'étions pas au bout de nos peines. En effet, les quelques villageois survivants et des profonds, qui émergèrent du port, nous prirent  en chasse dans un déchaînement de violence aveugle et sanglante. Par chance, la plupart des personnes innocentes à ce pandémonium s'était réfugié chez Josh. Mais Max et Wilbur furent victime des monstres. Paix à leurs âmes !

L'expédition punitive se rua à l'assaut de la colline.  Elle était composée d'un mélange de villageois ordinaires, de brutes difformes, de profonds ainsi que de deux hybrides homards terrifiants. John et moi-même nous préparâmes à mourir afin de permettra à nos compagnons de fuir, mais Josh se rua sur la horde en brandissant son fusil et des bâtons de dynamites. Le vieil homme nous fit ainsi gagner les précieuses minutes nécessaire à Maryse pour faire décoller l'avion.   

L'avion s'extirpa in-extremis de la horde hurlante et gesticulante qui tentait de le submerger. Nous fûmes secoués en tous sens par le terrain inégal. Et puis soudain, se fut la chute libre. Un moment d'apesanteur qui nous souleva le cœur. Maryse s'arc-bouta sur le manche pour redresser la trajectoire avant de percuter le pied de la falaise. Nous étions écrasés par une pression phénoménale, les moteurs hurlaient et la voilure craquait tandis que nous frôlions la surface de la mer. Soudain, une vague colossale se dressa devant-nous. Nous foncions droit dedans ! Au dernier instant, l'aéronef reprit de l'altitude. Derrière nous, une formidable explosion secoua la falaise et fit vibrer la carlingue. La ferme de Josh était partie en fumée. Le vieux têtu avait tenu promesse, il était parti en beauté. Nous volions vers la liberté, mais un terrible malaise nous glaça le cœur. Notre imagination nous avait-elle joué un tour ? Avons-nous réellement vu dans cette vague immense la forme d'un gigantesque tentacule, épais comme un autobus, qui avait tenté de vous attraper ? Le trouble que je décelais en silence dans le regard de mes compagnons d'infortune, qui cherchaient eux aussi sur mon visage une confirmation de ce doute terrible, me fit frissonner


Fin

4 commentaires:

  1. Superbe histoire, très bien écrite. J'y étais par les mots.
    Vistenholder

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  2. Réponses
    1. Merci. Si tu as l'occasion d'essayer ce système de jdr, fonce. Il est simple et se concentre sur l'essentiel.

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